La lutte pour les Droits Humains n'est pas nouvelle. Certains se sont battus avant nous pour les promouvoir. D'autres se battront après nous pour prolonger le chemin parcouru. Les Droits humains - il faut le rappeler - sont malheureusement négligés dans le processus de Barcelone. Les effets d'annonce se multiplient. Les déclarations de bonnes intentions aussi ! Des partenaires jurent - la main sur le cœur - qu'ils sont attachés aux principes démocratiques. D'autres - ou parfois les mêmes - plébiscitent à haute voix les libertés fondamentales.
Le dernier Conseil Européen de Bruxelles du 16 et 17 octobre 2003 l'a affirmé : 'La région revêt une importance cruciale ». Les Chefs d'Etats européens se sont déclarés - je les cite - « déterminés à développer le Partenariat euro-med ». Ils soutiennent « activement le développement économique de la région ».
Dans les faits, cela passerait par des initiatives concrètes, un renforcement du dialogue politique et une coopération culturelle renforcée.
Le Sommet Europe-Afrique n'a pas - lui non plus - oublié les Droits Humains. Les signataires de la déclaration finale ont - eux aussi - affirmé leur volonté de promouvoir la démocratie représentative et participative. Ils ont déclaré être attachés à deux sœurs jumelles des Droits Humains : la liberté d'expression et la liberté d'association…
Et qui étaient ces signataires ? Je ne peux retenir un léger sourire !
Quand on sait que Ben Ali ou Bouteflika en faisaient parti ! On peut donc, on doit donc, s'interroger sur la volonté réelle des dirigeants des deux rives !
Autre exemple : les contrats d'association entre l'UE et des pays de la rive sud, comme la Tunisie, le Maroc, l'Algérie, et Israël. Les droits de l'homme sont abordés dans l'accord d'association signé avec tous ces pays. L'article 2 affirme notamment que cet accord est signé dans « le respect des principes démocratiques et des Droits de l'Homme ». Cela « constitue même - c'est écrit ! - un élément essentiel de l'accord'. Cet article est-il appliqué ?
Malheureusement non ! Et je le regrette du fond du cœur... Les pays de l'UE ne veulent pas faire pression pour faire appliquer cette clause. La situation est ubuesque.
D'un côté, on veut faire plaisir à l'opinion publique, et de l'autre on ne fait pas en sorte que la situation évolue réellement !
Que font alors la Commission et le Conseil ?
Le constat n'est pas réjouissant !
Aucune déclaration officielle - je dis bien aucune ! - ne condamne les agissements inacceptables de l'armée coloniale israëlienne. Aucune déclaration ne s'élève contre la politique de Sharon en Palestine occupée, contre les agissements des sbires de Ben Ali ou contre les abus de droit du gouvernement marocain envers des militantEs des libertés démocratiques.
Les exemples que je viens de citer sont pourtant en contradiction flagrante avec la clause sur le respect des Droits Fondamentaux.
Mais rassurons-nous, le jour où ces pays remettront en cause un tarif douanier ou un contrat commercial, ce jour-là, on entendra la Commission et le Conseil !…
Explication :
Pourquoi les mots et leurs traduction dans les faits sont-ils si éloignés ? Car les Droits de l'Homme n'engendrent aucun gain économique ou diplomatique !
Le Partenariat Euro-Méditerranéen a deux intérêts majeurs pour les pays membres de l'Union européenne :
- Premier intérêt : ouvrir des marchés à leurs entreprises.
C'est l'objectif premier, la preuve : leur aide au développement, les contrats d'association,...
Ils sont tous soumis très explicitement à l'ouverture des frontières, à la privatisation des entreprises publiques (inévitablement rachetées par ceux qui ont des sous, c.a.d les européens), à l'adoption de Lois très favorables en matière de droit des entreprises ou de rapatriement des bénéfices, à la réduction des déficits publics (pour éviter de menacer nos investissements)…
L'objectif est explicite : il s'agit de créer une zone de libre-échange d'ici 2010…
Si les pays occidentaux voulaient réellement développer les pays de la rive Sud de la Méditerranée, ils commenceraient par annuler cette dette meurtrière qui plombe des économies entières ! Permettez-moi un exemple : 30% du budget du Maroc est directement consacré au remboursement de sa dette. Mais cette dette a un intérêt ! Grâce à elle, les généreux donateurs de l'UE reçoivent beaucoup plus d'argent qu'ils n'en donnent !
Pour les pays de l'UE, perdre ce moyen de pression économique est donc inenvisageable !
- Deuxième intérêt : tarir les sources des flux migratoires Sud-Nord, en conditionnant l'aide au développement et la coopération à des mesures draconiennes de retour au pays.
Ainsi l'UE met en place des clauses de réadmissions, qui sont des expulsions cachées, et prend en otage ces pays, qui parfois ont aussi des intérêts à accepter cette prise d'otage.
Ces clauses - je le rappelle - violent le droit international et notamment le droit à chercher asile et remet en cause la protection internationale due à tous demandeurs d'asile ou réfugiés !
Elles outrepassent les Conventions de Genève et de Dublin !
On peut donc souligner que les Droits humains ne concernent pas simplement la rive Sud...
Les Droits Humains concernent l'ensemble des partenaires euro-med.
Je peux vous assurer qu'en Commission des Libertés Publiques au PE, je vois passer des choses inacceptables envers des personnes issues de la rive Sud : politiques d'asile, d'immigration, accueil, droits politiques et sociaux pour les nouveaux arrivants… sans parler des délits de solidarité, des politiques répressives et sécuritaires, amalgames : menaces intégristes, terrorisme 'Islamique', évidemment !...
L'Union a, elle aussi du pain sur la planche, en matière de Droits Humains et de respect des droits fondamentaux !…
L'Europe est endormie sur sa réputation de défenseur des Droits Humains. Partout elle affirme que ces droits sont universels ! Mais ses liens privilégiés avec les autocraties du bassin méditerranéen (Tunisie, Algérie, Maroc, Égypte, Israël,…) démontrent le contraire.....
Il suffit de constater son quasi-silence face à la violation des droits à liberté d'expression que des personnes subissent dans le cadre de l'exercice de leur profession (à ce propos saluons la grève de la faim de Radhia Nasraoui en Tunisie et le combat de Ali Lmrabet au Maroc).
Le processus euro-méditerranéen n'est relancé que pour maintenir le leadership européen. Il n'est là que pour sauvegarder les intérêts d'Etats contre les droits des peuples !
Et le processus de Barcelone, dans tout cela ? Certes, il vise la paix et la prospérité de la région. Mais il ne peut avoir une réalité que s'il se fonde sur la Justice, sur le respect des droits fondamentaux, sur la Liberté - sur les Libertés - !
Agir au lieu de subir
Après ce constat pessimiste, que faut-il faire ?
Nous devons mettre l'Union face à ses responsabilités. Il faut lui rappeler - dès que l'occasion se présente - ses engagements. Nous devons réclamer - à voix haute - que les belles paroles soient suivies d'actes concrets.
En tant qu'euro-députéEs, notre action doit être double :
1) Nous devons essayer de peser pour réorienter les politiques de l'Union en matière d'aide au développement. Elle doit être répartie d'une toute autre façon !
Par exemple, nous devons exiger que cette aide aille moins vers les infrastructures ou le secteur bancaire - comme c'est le cas aujourd'hui. Nous devons exiger qu'une part plus grande de cette aide soit consacrée à l'éducation, à la santé, ou aux les micros projets profitant véritablement aux besoins et aux attentes des populations locales.
Nous avons aussi le pouvoir de voter des recommandations ou des résolutions.
Nous l'avons fait pour demander le gel de certains accords d'association (comme avec Israël le 10 avril 2002).
Nous avons un moyen de pression sur les gouvernements (comme la dernière résolution adoptée le 20 11 2003 exigeant le respect les libertés démocratiques en Tunisie et au Maroc, en particulier pour exprimer notre soutien à Radhia Nasraoui et à Ali Lmrabet).
Mais ce combat là est décevant ! Je vous l'accorde.
Le pouvoir du Parlement est encore bien minuscule, comparé à celui des états réunis en Conseil.
C'est le Conseil - et non le Parlement - qui décide ou non d'appliquer et d'exécuter les résolutions que nous votons.
Et trop souvent, ces résolutions sont ignorées ! Trop souvent, la voix des peuples d'Europe - car ce sont eux qui nous ont éluEs - est ignorée, bafouée…
Aujourd'hui, les députéEs ne peuvent pas contrôler le respect de ces conventions. Aucun instrument n'a été prévu pour cela ! Notre pouvoir est à la fois immense et petit....
J'espère que le Traité constitutionnel - et non pas « la Constitution » comme on l'entend trop souvent - corrigera les choses. J'espère que le Parlement aura enfin le pouvoir qu'il mérite d'avoir !
2) Nous devons relayer et soutenir les associations. Nous devons leur servir de porte-voix médiatique, travailler mains dans la main avec les ONG. Pour soutenir, par exemple, leur campagne de boycott des produits d'origine 'made in Israël' contre la politique d'Israël.
Nous devons profiter de chaque déplacement officiel pour rencontrer les militants associatifs.
Nous devons dénoncer publiquement les exactions des régimes autoritaires.
Nous le faisons aujourd'hui en créant un pôle de revendications grâce aux rassemblements citoyens.
Ensemble, nous pouvons déstabiliser le ronronnement des conférences internationales : Seattle, Cancun,... Nous devons être aux côtés des alter-mondialistes, écouter ce qu'ils ont à nous dire. Ce fut le cas du FSE à Paris, et ce sera demain le tour de Londres.
Et surtout, ne pas les mépriser comme le font les dirigeants de l'OMC, du FMI ou de la Banque mondiale !
Nous devons être - et nous y serons - au prochain FSM de Monbay.
Nous devons créer un rapport de force dans la rue. Mains dans la main, députés et citoyens doivent faire pression sur les gouvernements !
C'est une sorte de 'dedans - dehors' :
- un pied 'dans' les institutions pour porter le fer là où ça fait mal,
- un pied 'en dehors' pour soutenir l'action de la société civile.
Les députés européens doivent faire feu de tout bois en faveur des Droits Humains : dénoncer un accord international quand il est injuste ou que ses clauses ne sont pas respectées, s'élever contre toutes les exactions, condamner la justice à géométrie variable.
Nous pouvons changer des choses de part et d'autre de la Méditerranée. J'insiste bien : sur les deux rives de la Méditerranée…