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Points de vue

Halte à deux femmes portant le voile dans les coulisses de l'émission Campus sur France 2

Rédigé par Magalie saneba Caroline messaoudi et | Lundi 15 Décembre 2003 à 00:00

           

Locaux de France Télévisions, le jeudi 4 décembre 2003 à 15 h. Madame Caroline Messaoudi et Madame Magalie Saneba, deux citoyennes françaises de confession musulmane portant le voile, attendent dans le hall d'accueil de France Télévisions afin d'assister à l'émission Campus présenté par Guillaume Durand et où le philosophe Tariq Ramadan fut l’un des invités.



Locaux de France Télévisions, le jeudi 4 décembre 2003 à 15 h. Madame Caroline Messaoudi et Madame Magalie Saneba, deux citoyennes françaises de confession musulmane portant le voile, attendent dans le hall d'accueil de France Télévisions afin d'assister à l'émission Campus présenté par Guillaume Durand et où le philosophe Tariq Ramadan fut l’un des invités.

 

C'est Mme Saneba qui avait été rappelée par l'équipe de l'émission chargée du public après avoir laissé ses coordonnées et précisé qu'elle portait le voile. L'équipe était donc informée de sa tenue vestimentaire. Au téléphone, on lui explique qu 'elle peut venir assister à l'émission accompagnée si elle le souhaite ; elle laisse alors au répondeur de Campus les coordonnées de Mme Caroline Messaoudi que l'équipe de télévision contacte aussitôt pour l'inviter à composer le public de l'émission Campus diffusée sur France 2 le jeudi 4 décembre à 23 h et dont le thème est « Foulard et enseignement » . Il est important de préciser que lorsqu'on les contacte par téléphone, on leur précise vivement que l'on compte impérativement sur leur présence dans le public.

 

Les deux femmes attendent donc dans le hall des locaux de France Télévisions avec les autres personnes invitées également. Le jeune homme chargé du public, le même qui les avait contactées par téléphone, se présente dans le hall et demande aux invités de passer un à un par le sas qui conduit aux studios d'enregistrement. Il notifie la présence de chacun par une croix devant les noms et prénoms des personnes devant assister à l'émission sur une liste qu'il avait établie. Les noms et prénoms de nos deux citoyennes étaient bel et bien inscrits. Le groupe entre alors dans un couloir où un buffet est servi et où l'on prend les manteaux des personnes invitées pour les poser au vestiaire. Pour le moment Mesdames Caroline et Magalie sont traitées avec les mêmes attentions que le reste des personnes du public. Mais c'est dans ce même couloir, antichambre du studio de l'émission, que tout va basculer.

 

Après la collation, il est demandé au groupe de s'acheminer vers la porte ouverte du studio où va avoir lieu l'enregistrement de l'émission Campus. La moitié des individus composant le groupe s'est déjà introduite dans le studio lorsque c'est au tour de Mme Messaoudi et de Mme Saneba d'entrer. « STOP ! », lance le même jeune homme qui les avait invitées et accueillies auparavant, en barrant la route à Magalie de son bras, la poussant lentement pour qu'elle dégage le passage. Devant le regard interrogatif des deux femmes, le jeune homme poursuit en justifiant son acte ainsi : « Je fais d' abord entrer les couleurs qui flashent ! » Or, Caroline et Magalie portaient ce jour-là des foulards de couleurs vives, respectivement rose et beige-doré ( d'ailleurs, au téléphone, on avait bien précisé à Mme Saneba de ne pas porter de blanc ni de noir ). Les deux femmes se poussent sous la pression du jeune homme qui, manifestement, veut faire entrer les personnes qui se trouvent derrière elles. Crédules, Caroline et Maglie laissent défiler sous leurs yeux des personnes portant des pulls vert-menthe, rouge vif, orangés.jusque-là tout est conforme aux dires du jeune homme. Mais, lorsque des personnes vêtues de noir, de gris, de blanc passent devant elles alors qu'on ne les laisse, elles, toujours pas entrer, nos deux concitoyennes sont ébahies, inquiètes, mais elles espèrent toujours que l'on va les placer dans le public.

 

Et bien non ! Caroline Messaoudi et Magalie Saneba n'assisteront pas à l' émission Campus du jeudi 4 décembre 2003 bien qu'elles soient les premières citoyennes concernées par le thème choisi par Campus, à savoir, rappelons-le : « Foulard et enseignement ». En effet, lorsque le jeune homme chargé du public revient après avoir abandonné les deux femmes ainsi que deux jeunes hommes issus de l'immigration ( qui n'ont pas pu entrer non plus ), ce dernier leur annonce que les places du public sont combles mais qu'elles peuvent toutefois suivre l'émission sur une télévision en coulisse. Caroline et Magalie ne méritent-elles que les coulisses parce qu'elles portent un voile ? N'ont-elles pas droit à une présence sur le plateau de l'émission ? Ne sont-elles pas des citoyennes françaises comme les autres ? Et puis, pourquoi ces deux jeunes hommes n'ont-ils pas pu entrer dans le studio non plus ? Y a-t-il des quotas de personnes issues de l'immigration à ne pas dépasser sur les plateaux de télévision ? Toutes ces questions traversent les esprits de nos deux concitoyennes qui, outrées, décident de quitter les lieux. Devant cette situation tendue, le jeune homme essaie de justifier les faits ainsi : « Désolé, mais je fais entrer en premier les couleurs qui flashent et les habitués. » Le jeune homme stipule également que le nombre de personnes contactées est toujours plus élevé que les places disponibles dans le public afin de pallier les absences. Bien entendu, Caroline et Magalie ne sont pas satisfaites de cette argumentation faible, puisque, parmi les personnes autorisées à entrer sur le plateau de l'émission, il y avait des non habitués, qui venaient pour la première fois et qui portaient, de surcroît, des vêtements de couleur sombre. En outre, au moment d'entrer dans le studio, c'est au niveau des deux femmes que l'on a stoppé le groupe, alors que ces dernières se situaient au milieu du groupe. Il est évident qu' il ne s'agit en aucun cas, ici, d'un acte arbitraire sinon les personnes qui auraient du demeurer à l'extérieur sont celles qui fermaient la marche, or ce n'était pas le cas ni de Caroline ni de Magalie.

 

Devant les questions que Mesdames Messaoudi et Saneba posaient au jeune homme afin de lui faire avouer les raisons véritables de ce refus d'assister en tant que simples spectatrices à l'émission Campus alors qu'on les avait invitées à composer le public, le jeune homme finit par lancer au cours de la discussion : « Je ne suis qu'un intermittent du spectacle. C'est moi qui risque de me faire virer ! ». Il semble évident que cet intermittent a reçu des instructions sur place à la venue des deux femmes portant le voile. D'où ont pu venir ces instructions ? Qui ne voulait pas de représentantes des citoyennes françaises de confession musulmane portant le voile avec conviction profonde sur le plateau de Campus ? Toutes ces questions surviennent à un moment où l'on remarque l'absence des citoyennes concernées lors des débats actuels sur le voile qui deviennent de plus en plus virulents. Ces débats traitent en leur sein de la démocratie, mais ils ne se veulent pas démocratiques puisqu'ils évincent une partie des citoyennes qui composent la société française et qui sont prêtes à affirmer leur citoyenneté ainsi que leur refus du repli communautaire en se déplaçant, comme l'ont fait Caroline Messaoudi et Magalie Saneba, afin de participer aux discussions qui les concernent en premier lieu.

 

Après un échange de paroles stérile, les deux femmes décident de partir. Au même moment, une jeune femme chargée elle aussi du public et du répondeur de l'émission Campus ainsi qu'une journaliste viennent s'informer auprès de Caroline et de Magalie et tentent ainsi d'apaiser la situation très tendue en les invitant dans les coulisses pour une collation. On fait même appel à la directrice de production. Il est nécessaire de préciser que tout ce « remue-ménage » survient après que Mme Saneba a précisé qu'elle était actrice sociale au sein d'une association féminine et musulmane, et qu'elle avait l' intention d'écrire un article à propos de cet événement. Les deux femmes quittent enfin les lieux, conscientes d'avoir été l'objet d' une discrimination. Elles ont décidé, en conséquence, de dénoncer cet événement afin que les citoyennes et les citoyens prennent conscience du climat d'islamophobie qui règnent en France à l'heure actuelle jusque sur les plateaux de télévision.

 

Si nous avons le sens des responsabilités, il est du devoir de chacun d' entre nous de dénoncer de tels actes et d'exiger que les médias français fassent preuve d'impartialité dans le traitement de l'islam ainsi que de démocratie en invitant les citoyennes françaises de confession musulmane portant le voile avec conviction profonde, s'ils ont réellement l'ambition de traiter d'une manière véritablement objective la question du voile.





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