© Nadir Ioulain
Pas d’avant-première. Pas de carton d’invitation. Vendredi 29 avril, nous débarquons pour voir son film L’Adrénaline par un coup de tête après avoir raccroché sur un tout autre sujet avec le réalisateur Nadir Ioulain, auteur de Français de souche et de Jungle Jihad. Il faut dire qu’en papotant avec lui tout en scrollant son profil Facebook, les images qu’il publie sont intrigantes : des bambins hauts comme trois pommes dont les têtes de désarticulent dans tous les sens... C’est le cas de le dire, ça a de la gueule.
Nous décidons de voir par nos propres yeux. Mais le voyage de Carrefour Pleyel à Saint-Denis vers la cité des Mérisiers à Trappes est si galère qu’il nous fait penser au film Exils de Tony Gatlif, avec Romain Duris et Lubna Azabal. On se perd dans les méandres des interconnexions de trains inter-banlieues, tramway et bus périphériques qui nous jette tout près d’un centre commercial où les petits commerces sont aux couleurs ramadanesques. Ça chauffe mais ce n’est pas encore tout à fait l’endroit. Heureusement que Google Maps vient à la rescousse et nous conduit patiemment mais surement vers le petit chapiteau d’animation au milieu des barres HLM. Se tient une autre animation, elle plus grande, consacrée à la sécurité routière. Il y a aussi pas mal de décibels.
Pas de faux-semblant, Nadir Ioulain est un réalisateur que Saphirnews apprécie beaucoup. Parce que c’est notre Spike Lee national. Un vrai passionné dans ce qu’il fait. Un peu comme nous d’ailleurs. En disant cela, nous dérogeons à la bienséance de la modestie. Pas de « mumu attitude » entre nous, n’est-ce pas ? Ce passionné travaille souvent avec des moyens très spartiates mais sans jamais sacrifier à la qualité. Une vraie graine de bitume. Après les accolades d’usage qui suivent de longues absences, il m’installe le casque Quest sur la tête et c’est parti.
Nous décidons de voir par nos propres yeux. Mais le voyage de Carrefour Pleyel à Saint-Denis vers la cité des Mérisiers à Trappes est si galère qu’il nous fait penser au film Exils de Tony Gatlif, avec Romain Duris et Lubna Azabal. On se perd dans les méandres des interconnexions de trains inter-banlieues, tramway et bus périphériques qui nous jette tout près d’un centre commercial où les petits commerces sont aux couleurs ramadanesques. Ça chauffe mais ce n’est pas encore tout à fait l’endroit. Heureusement que Google Maps vient à la rescousse et nous conduit patiemment mais surement vers le petit chapiteau d’animation au milieu des barres HLM. Se tient une autre animation, elle plus grande, consacrée à la sécurité routière. Il y a aussi pas mal de décibels.
Pas de faux-semblant, Nadir Ioulain est un réalisateur que Saphirnews apprécie beaucoup. Parce que c’est notre Spike Lee national. Un vrai passionné dans ce qu’il fait. Un peu comme nous d’ailleurs. En disant cela, nous dérogeons à la bienséance de la modestie. Pas de « mumu attitude » entre nous, n’est-ce pas ? Ce passionné travaille souvent avec des moyens très spartiates mais sans jamais sacrifier à la qualité. Une vraie graine de bitume. Après les accolades d’usage qui suivent de longues absences, il m’installe le casque Quest sur la tête et c’est parti.
Un bruit de moto qui nous hypnotise
« Brouuuuh, brouuuuh, brouuuuh ! » Nous ouvrons les yeux et nous nous retrouvons dans la même situation quand Alice chute dans le terrier du lapin blanc. Pas de pilule bleue, ni de pilule rouge mais vraiment désorienté par une musique entrainante qui nous plonge dans une sorte de docufiction où on se dit que Thierry Ardisson, l’homme vêtu de noir, n’est jamais très loin. Pas facile de le débusquer dans un environnement à 360°.
Une maman catégoriquement antimoto, à qui on voit direct qu’on ne peut pas lui la faire à l’envers, prévient : « Moi, si je vois mon fils sur une moto alors là je vais le chicoter très, très fort. » Suivi d’une meuf type superbe intello du quartier en mode possession Gilles Deleuze et Roland Barthes qui vous explique le parallélisme osé entre l’assommoir de Zola et les rodéos sauvages.
A notre grande surprise, nous sommes hypnotisés par ce bruit de moto. Effet stupéfiant Madeleine Proust. « Brouuuuh, brouuuuh, brouuuuh ! » Flashback 30 ans en arrière où nous entendons ce même bruit de moto dans la cour de récréation du collège Pierre et Marie Curie, à Dreux. « Brouuuuh, brouuuuh, brouuuuh ! » Jacques Pradel, pas l’animateur télé de Perdu de vu mais le prof de maths, qui explique tant bien que mal le concept des droites parallèles à des gamins distraits par le « Brouuuuh, brouuuuh, brouuuuh ! » de leur pote Aziz en train de sécher le cours et qui, lui, s’éclate comme un ouf faisant du wheeling dans la cour de récré sous les fenêtres des profs de l’Éducation nationale qui font de leur mieux. En attendant, le camarade nous offre une leçon anticipée de l’énergie cinétique.
Clairement, nous avons complétement oublié le casque de réalité immersive mais pas facile de sécher les yeux larmoyants collés aux lentilles du Quest. Le film de réalité virtuelle convoque nos propres souvenirs tout en mobilisant divers imaginaires. Nous sentons l’adrénaline monter. Nous goûtons à la « kiffance » de ces gamins.
Une maman catégoriquement antimoto, à qui on voit direct qu’on ne peut pas lui la faire à l’envers, prévient : « Moi, si je vois mon fils sur une moto alors là je vais le chicoter très, très fort. » Suivi d’une meuf type superbe intello du quartier en mode possession Gilles Deleuze et Roland Barthes qui vous explique le parallélisme osé entre l’assommoir de Zola et les rodéos sauvages.
A notre grande surprise, nous sommes hypnotisés par ce bruit de moto. Effet stupéfiant Madeleine Proust. « Brouuuuh, brouuuuh, brouuuuh ! » Flashback 30 ans en arrière où nous entendons ce même bruit de moto dans la cour de récréation du collège Pierre et Marie Curie, à Dreux. « Brouuuuh, brouuuuh, brouuuuh ! » Jacques Pradel, pas l’animateur télé de Perdu de vu mais le prof de maths, qui explique tant bien que mal le concept des droites parallèles à des gamins distraits par le « Brouuuuh, brouuuuh, brouuuuh ! » de leur pote Aziz en train de sécher le cours et qui, lui, s’éclate comme un ouf faisant du wheeling dans la cour de récré sous les fenêtres des profs de l’Éducation nationale qui font de leur mieux. En attendant, le camarade nous offre une leçon anticipée de l’énergie cinétique.
Clairement, nous avons complétement oublié le casque de réalité immersive mais pas facile de sécher les yeux larmoyants collés aux lentilles du Quest. Le film de réalité virtuelle convoque nos propres souvenirs tout en mobilisant divers imaginaires. Nous sentons l’adrénaline monter. Nous goûtons à la « kiffance » de ces gamins.
Quand les routes de la fiction, du documentaire et du récit d’apprentissage s’entrecroisent
En visionnant l’œuvre de 45 mn, nous n’oublions toutefois pas les nombreux morts dans les cités de pilotes improvisés mais surtout les enfants innocents fauchés par les roues de ces grosses cylindrées. Réalité immersive s’articule aussi avec situation complexe. On ne peut que comprendre le ras-le-bol des forces de l’ordre que le réalisateur met en scène à travers les personnages des policiers pris au jeu du chat et de la souris.
A la manière d’Emile Zola, Nadir Ioulain délivre une forme de naturalisme de la situation. On voit s’affronter une rationalité contre une autre rationalité. Une intelligence émotionnelle contre une autre. L’échange du maire avec le jeune biker qui s’effectue dans le quartier dans un cadre de bienveillance dépourvu de toute forme de condescendance ouvre le champ des possibles. Sans parler de cette fascinante scène qui nous fait littéralement fondre de tendresse devant cette petite fille qui se regarde dans le miroir de l’armoire de sa chambre imitant ces grands gaillards de cité en train de faire du « Brouuuuh, brouuuuh, brouuuuh ! »
A la manière d’Emile Zola, Nadir Ioulain délivre une forme de naturalisme de la situation. On voit s’affronter une rationalité contre une autre rationalité. Une intelligence émotionnelle contre une autre. L’échange du maire avec le jeune biker qui s’effectue dans le quartier dans un cadre de bienveillance dépourvu de toute forme de condescendance ouvre le champ des possibles. Sans parler de cette fascinante scène qui nous fait littéralement fondre de tendresse devant cette petite fille qui se regarde dans le miroir de l’armoire de sa chambre imitant ces grands gaillards de cité en train de faire du « Brouuuuh, brouuuuh, brouuuuh ! »
Nadir Ioulain, avec beaucoup de talent, nous amène au carrefour où se croisent les routes de la fiction, du documentaire et du récit d’apprentissage. Cette éducatrice qui sermonne les jeunes bikers et leur explique l’école du caméléon enseignée par le guide Amadou Hampâté Bâ. L’intrépidité de la jeunesse, la vitesse et la précipitation qu’elle entraîne peut engendrer des dégâts irrémédiables si elle n’est pas tempérée par la cinétique tranquille du caméléon, semble nous indiquer le film.
Du décor aussi fait de béton qui s’enchaine avec des plans de friches laissés à l’abandon où la nature sauvage reprend tous ses droits qui au fond méprisent tous ces urbanistes bien engraissés par les différentes opérations de rénovation urbaine des décennies de politique de la ville.
Quand nous sortons de la tente blanche, nous rencontrons deux des comédiens. Nadir leur lance d’un air taquin : « Eh les gars, c’est le CEO de Saphirnews. » Réponse en cœur : « Nooooonnnn, Saphirnews est venu jusqu’ici ! » Dans notre tête, il y a inflammation des synapses : « Merde, on s’est embourgeoisés à ce point ? Ils vont finir par nous insulter de gauche tajine, ces cons. » Sauf que nous serions Cendrillon en train de manger les olives du tajine juste avant les 12 coups de minuit.
Puis me vient à l’esprit une série assez gore diffusée sur Netflix intitulée La Plateforme. L’histoire a pour contexte une verticalité carcérale sur une centaine d’étages. Plus nous descendons, plus c’est la misère. Peut-être que oui, nous sommes à des étages différents mais rien à voir avec l’étage supérieur de la Fondation de l’islam de France (FIF) et ses 700 000 euros de budget annuel. Comprenons aussi que ça fait « mesquine » pour une fondation culturelle. Toujours une question d’étage ! Et dans La Plateforme, on peut dégringoler encore plus bas ou aller plus haut. Cependant, la réalité est souvent plus crade que la fiction.
Mais soyons optimistes ! Heureusement que la révolution numérique en marche apporte aux habitants des quartiers populaires les moyens de s’émanciper des conditions matérielles misérabilistes. A condition bien sûr de tomber sur des guides bienveillants qui nous accompagnent vers la connaissance et surtout vers les circuits financiers véritablement opérants. Nadir, bravo l’artiste !
Du décor aussi fait de béton qui s’enchaine avec des plans de friches laissés à l’abandon où la nature sauvage reprend tous ses droits qui au fond méprisent tous ces urbanistes bien engraissés par les différentes opérations de rénovation urbaine des décennies de politique de la ville.
Quand nous sortons de la tente blanche, nous rencontrons deux des comédiens. Nadir leur lance d’un air taquin : « Eh les gars, c’est le CEO de Saphirnews. » Réponse en cœur : « Nooooonnnn, Saphirnews est venu jusqu’ici ! » Dans notre tête, il y a inflammation des synapses : « Merde, on s’est embourgeoisés à ce point ? Ils vont finir par nous insulter de gauche tajine, ces cons. » Sauf que nous serions Cendrillon en train de manger les olives du tajine juste avant les 12 coups de minuit.
Puis me vient à l’esprit une série assez gore diffusée sur Netflix intitulée La Plateforme. L’histoire a pour contexte une verticalité carcérale sur une centaine d’étages. Plus nous descendons, plus c’est la misère. Peut-être que oui, nous sommes à des étages différents mais rien à voir avec l’étage supérieur de la Fondation de l’islam de France (FIF) et ses 700 000 euros de budget annuel. Comprenons aussi que ça fait « mesquine » pour une fondation culturelle. Toujours une question d’étage ! Et dans La Plateforme, on peut dégringoler encore plus bas ou aller plus haut. Cependant, la réalité est souvent plus crade que la fiction.
Mais soyons optimistes ! Heureusement que la révolution numérique en marche apporte aux habitants des quartiers populaires les moyens de s’émanciper des conditions matérielles misérabilistes. A condition bien sûr de tomber sur des guides bienveillants qui nous accompagnent vers la connaissance et surtout vers les circuits financiers véritablement opérants. Nadir, bravo l’artiste !