
Les participants au programme américain IVLP en novembre 2024, ici au Musée arabo-américain de Dearborn (Michigan) © DR
L’époque est à la reconnaissance des cultures religieuses, des aspérités pour mieux s’apprécier, mais aussi de la mondialisation au-delà des rives, des convictions et des océans. Les idées circulent sans entraves, avec parfois des étincelles extrêmes, mais aussi des coups de foudre. Les langues ne sont plus une barrière ; désormais, les Hommes parlent avec le cœur, font société, et tentent de répondre aux défis de ce siècle : la paix, la nature, la justice, l’amour.
L’IVLP (International Visitors Leadership Program) est un programme d’échanges internationaux piloté par le Département d’Etat américain. L’objectif de ces programmes est d’offrir à des participants soigneusement sélectionnés, leaders dans leur communauté et /ou leur activité, l’occasion de cultiver des relations durables avec des homologues aux Etats-Unis et au-delà. Depuis son lancement en 1940, ce sont des dizaines de milliers de visiteurs qui purent en bénéficier et ainsi, en nourrir leur engagement.
En novembre 2024, après une phase de sélection de plus d’un an, six acteurs et leaders de la communauté musulmane en France, ainsi qu’un représentant du Quai d’Orsay, furent invités à un programme IVLP portant sur le thème des « libertés religieuses et communautés musulmanes américaines aux Etats-Unis ». Ce sujet avait pour objectif de confronter et de comparer les expériences des deux rives de l’Atlantique afin qu’elles puissent se renforcer mutuellement pour les futurs défis.
Ainsi, durant trois semaines et au travers d’un programme intensif et des rencontres variées, les invités parcoururent plusieurs villes et Etats dont Washington DC, Portland (Maine), Austin (Texas) et Détroit (Michigan) dont nos vous traçons le périple.
L’IVLP (International Visitors Leadership Program) est un programme d’échanges internationaux piloté par le Département d’Etat américain. L’objectif de ces programmes est d’offrir à des participants soigneusement sélectionnés, leaders dans leur communauté et /ou leur activité, l’occasion de cultiver des relations durables avec des homologues aux Etats-Unis et au-delà. Depuis son lancement en 1940, ce sont des dizaines de milliers de visiteurs qui purent en bénéficier et ainsi, en nourrir leur engagement.
En novembre 2024, après une phase de sélection de plus d’un an, six acteurs et leaders de la communauté musulmane en France, ainsi qu’un représentant du Quai d’Orsay, furent invités à un programme IVLP portant sur le thème des « libertés religieuses et communautés musulmanes américaines aux Etats-Unis ». Ce sujet avait pour objectif de confronter et de comparer les expériences des deux rives de l’Atlantique afin qu’elles puissent se renforcer mutuellement pour les futurs défis.
Ainsi, durant trois semaines et au travers d’un programme intensif et des rencontres variées, les invités parcoururent plusieurs villes et Etats dont Washington DC, Portland (Maine), Austin (Texas) et Détroit (Michigan) dont nos vous traçons le périple.
A Washington DC, le premier point de chute concorda avec l'élection du nouveau président. Une visite des sites historiques et mémoriaux au National Mall et de plusieurs musées permirent une belle entrée en matière. Le groupe fut initié au système politique américain par le spécialiste Akram Elias, avant de rencontrer, à Georgetown University, l’éminent Dr Leo Lefebure, prêtre et spécialiste de la liberté religieuse et des relations interconfessionnelles aux Etats-Unis.
Il visita ensuite le Centre ADAMS, en Virginie, qui fonctionne à ce jour comme une fédération de sept mosquées, mettant en commun leur fonctionnement, leurs relations institutionnelles, leurs engagements, et même leurs imams. La mosquée est tant élevée en lieu de rassemblement et de vie que l’on y trouve salles de sport, gymnase, cafétéria, bibliothèque et école intégrée. Reçu au Département d’Etat pour un échange sur le traitement des minorités religieuses, le groupe rencontra également les membres du Conseil interconfessionnel de Washington pour un après-midi d’échanges fructueux.
Il visita ensuite le Centre ADAMS, en Virginie, qui fonctionne à ce jour comme une fédération de sept mosquées, mettant en commun leur fonctionnement, leurs relations institutionnelles, leurs engagements, et même leurs imams. La mosquée est tant élevée en lieu de rassemblement et de vie que l’on y trouve salles de sport, gymnase, cafétéria, bibliothèque et école intégrée. Reçu au Département d’Etat pour un échange sur le traitement des minorités religieuses, le groupe rencontra également les membres du Conseil interconfessionnel de Washington pour un après-midi d’échanges fructueux.

A Portland (Oregon) avec la députée Deqa Dhalac, qui a en main le décret reconnaissant la communauté musulmane dans l’Etat du Maine. © DR
Des rencontres inspirantes au rendez-vous
A Portland, une ville portuaire au fort cachet culturel, le groupe rencontra des personnalités musulmanes qui s’inscrivent avec exemplarité dans l’engagement citoyen. Pious Ali a reçu le groupe dans la mairie de Portland, partageant son parcours symbolique, de son Ghana natal à la plus importante instance locale, en passant par ses combats pour l’éducation de jeunes. Ils ont également rencontré Deqa Dhalac, une dame à l’accueil époustouflant, qui fut la première député-maire somalo-américaine, et contribua à la reconnaissance des musulmans dans l’Etat du Maine.
Plusieurs centres communautaires offrant des services de toutes sortes aux populations locales furent visités, ainsi que la collection franco-americaine à l’Université Southern Main. En effet, le Maine est peuplé, depuis le 19e siècle, par une forte immigration française. Un moment intense fut partagé avec une dame incroyable, Fatuma Hussein. Arrivée en tant que réfugiée au Texas en 1995, elle migra ensuite au Maine, qui accueillait alors une modeste communauté de Somaliens. Se rendant compte très vite des difficultés de sa communauté, elle entreprit d’ouvrir un centre d’accueil alors qu’elle-même n’avait pas encore de « sécurité » (statut, emploi, langue, logement…).
Par sa conviction, son intention, elle éleva en quelques années cinq centres communautaires, en plus d’élever ses huit enfants, et a obtenu en 2024 le prix Peter Detroy, qui récompense les citoyens engagés contre les injustices. Le groupe visita également la Deering High School, un lycée public à forte inclusivité. Un échange particulièrement intéressant eut lieu avec les lycéens membres de la Muslim Student Association ainsi que le proviseur-adjoint, Abdullahi Ahmed.
Puis, le groupe prit la route pour Austin, capitale du Texas. Après la prière du vendredi, ils rencontrèrent les responsables de la grande mosquée d’Austin, véritable lieu de vie. Cet édifice, dont une aile, dédiée à la jeunesse, est encore en construction, inclut un service d’enseignement, une clinique solidaire, un restaurant et des espaces de jeux.
Après un weekend de repos et de découverte de la culture texane, de San Antonio, le groupe rencontra le réseau Texas Impact, une fédération regroupant plusieurs organisations religieuses afin d’agir sur les législateurs pour accompagner la progression des politiques publiques, en toute inclusivité. Une visite permit également de découvrir la Catholic Church Camus Ministry, une université catholique qui accueille un grand contingent d’étudiants musulmans et favorise l’entre-connaissance religieuse. La visite du Texas s’est terminée par un diner chez l’habitant qui montra des aspects accueillants et gourmands de l’Amérique.
Plusieurs centres communautaires offrant des services de toutes sortes aux populations locales furent visités, ainsi que la collection franco-americaine à l’Université Southern Main. En effet, le Maine est peuplé, depuis le 19e siècle, par une forte immigration française. Un moment intense fut partagé avec une dame incroyable, Fatuma Hussein. Arrivée en tant que réfugiée au Texas en 1995, elle migra ensuite au Maine, qui accueillait alors une modeste communauté de Somaliens. Se rendant compte très vite des difficultés de sa communauté, elle entreprit d’ouvrir un centre d’accueil alors qu’elle-même n’avait pas encore de « sécurité » (statut, emploi, langue, logement…).
Par sa conviction, son intention, elle éleva en quelques années cinq centres communautaires, en plus d’élever ses huit enfants, et a obtenu en 2024 le prix Peter Detroy, qui récompense les citoyens engagés contre les injustices. Le groupe visita également la Deering High School, un lycée public à forte inclusivité. Un échange particulièrement intéressant eut lieu avec les lycéens membres de la Muslim Student Association ainsi que le proviseur-adjoint, Abdullahi Ahmed.
Puis, le groupe prit la route pour Austin, capitale du Texas. Après la prière du vendredi, ils rencontrèrent les responsables de la grande mosquée d’Austin, véritable lieu de vie. Cet édifice, dont une aile, dédiée à la jeunesse, est encore en construction, inclut un service d’enseignement, une clinique solidaire, un restaurant et des espaces de jeux.
Après un weekend de repos et de découverte de la culture texane, de San Antonio, le groupe rencontra le réseau Texas Impact, une fédération regroupant plusieurs organisations religieuses afin d’agir sur les législateurs pour accompagner la progression des politiques publiques, en toute inclusivité. Une visite permit également de découvrir la Catholic Church Camus Ministry, une université catholique qui accueille un grand contingent d’étudiants musulmans et favorise l’entre-connaissance religieuse. La visite du Texas s’est terminée par un diner chez l’habitant qui montra des aspects accueillants et gourmands de l’Amérique.
Le groupe se dirigea ensuite vers le nord, à Détroit. L’excursion commença à East Lansing, capitale politique du Michigan. Le groupe visita le centre islamique ainsi que l’école rattachée, et eut des échanges intéressants avec les responsables. Ils furent ensuite accueillis dans l’Université d’Etat du Michigan (MSU). Ils rencontrèrent le Dr Mohammad Khalil, directeur de la chaire d’islamologie, spécialiste reconnu du dialogue et des dynamiques religieuses. Ils rencontrèrent par la suite Dr Farha Abassi, une médecin psychiatre qui a développé un travail unique sur l’approche de la psychiatrie spécifique à la communauté musulmane. Elle a fondé la Conférence annuelle pour la santé mentale musulmane (Muslim Mental Health Consortium), un évènement unique rassemblant des professionnels de la santé mentale, des responsables religieux et des membres de la communauté (17 éditions, rassemblant plus de 30 nations). Son œuvre, reconnue par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), est diffusée dans le monde entier à travers ses riches conférences.
Au lendemain de la visite du Capitole du Michigan, le groupe passa la journée à Dearborn, lieu de naissance d’Henri Ford, ville célèbre pour sa forte population musulmane mais aussi sa renaissance économique permettant le surprenant rebond de Détroit. Après un petit-déjeuner traditionnel yéménite, le groupe se dirigea à l’Islamic Institute of Knowledge, un centre religieux regroupant également une école, et fortement intégrée dans le dialogue interreligieux. Ils rencontrèrent Soehaila Amen et l’imam Baqir Berry. La première est reconnue pour son engagement militant en faveur du vivre-ensemble. Elle fut conseillère spéciale pour le Département d’Etat et fut plusieurs fois primée pour son travail. Le second, descendant de français installés au Liban, dirige le conseil d’administration du centre et l’oriente vers les besoins de la communauté : éducation spirituelle, besoins solidaires, initiatives entrepreneuriales ou encore, dynamiques interreligieuses.
Le groupe visita ensuite la Islamic House of Wisdom (IHW), dirigée par l’imam Mohammad Ali Elahi. En plus de ses études d’imam en Iran, il est également diplômé d’art et de sociologie. Il est reconnu pour ses prises de paroles passionnantes et éloquentes et est engagé auprès de la communauté de Dearborn depuis plus de 30 ans. Le centre IHW est particulièrement impliqué dans le dialogue religieux, notamment par l’élaboration d’une collaboration solide entre communautés chiites et sunnites.
Au TechDown de Detroit, un incubateur de l’engagement social, le groupe rencontra le Professeur Saeed Khan. Spécialiste de l’engagement civique des musulmans en Amérique, il enseigne dans plusieurs universités du Michigan. Il a fondé l’ISPU (Institute for Social Policy and Understanding), qui propose des recherches et des pistes de dialogue à travers des études statistiques et des tendances futures de la communauté musulmane. Actif depuis plus de 20 ans, le travail de recherche permet d’accompagner les politiques futures.
Le groupe visita ensuite le passionnant musée arabo-américain de Dearborn. Un lieu de rassemblement et de culture qui retrace la présence arabe en Amérique depuis Moustapha Zemmouri, aux immigrations récentes, en passant par les ouvriers libanais de Détroit ou les réfugiés palestiniens. Une journée intensive qui s’acheva par une invitation dans la pizzeria de Mo Baydoun, un dynamique entrepreneur engagé devenu en 2021 le plus jeune président du conseil municipal de Dearborn Heights.
Au lendemain de la visite du Capitole du Michigan, le groupe passa la journée à Dearborn, lieu de naissance d’Henri Ford, ville célèbre pour sa forte population musulmane mais aussi sa renaissance économique permettant le surprenant rebond de Détroit. Après un petit-déjeuner traditionnel yéménite, le groupe se dirigea à l’Islamic Institute of Knowledge, un centre religieux regroupant également une école, et fortement intégrée dans le dialogue interreligieux. Ils rencontrèrent Soehaila Amen et l’imam Baqir Berry. La première est reconnue pour son engagement militant en faveur du vivre-ensemble. Elle fut conseillère spéciale pour le Département d’Etat et fut plusieurs fois primée pour son travail. Le second, descendant de français installés au Liban, dirige le conseil d’administration du centre et l’oriente vers les besoins de la communauté : éducation spirituelle, besoins solidaires, initiatives entrepreneuriales ou encore, dynamiques interreligieuses.
Le groupe visita ensuite la Islamic House of Wisdom (IHW), dirigée par l’imam Mohammad Ali Elahi. En plus de ses études d’imam en Iran, il est également diplômé d’art et de sociologie. Il est reconnu pour ses prises de paroles passionnantes et éloquentes et est engagé auprès de la communauté de Dearborn depuis plus de 30 ans. Le centre IHW est particulièrement impliqué dans le dialogue religieux, notamment par l’élaboration d’une collaboration solide entre communautés chiites et sunnites.
Au TechDown de Detroit, un incubateur de l’engagement social, le groupe rencontra le Professeur Saeed Khan. Spécialiste de l’engagement civique des musulmans en Amérique, il enseigne dans plusieurs universités du Michigan. Il a fondé l’ISPU (Institute for Social Policy and Understanding), qui propose des recherches et des pistes de dialogue à travers des études statistiques et des tendances futures de la communauté musulmane. Actif depuis plus de 20 ans, le travail de recherche permet d’accompagner les politiques futures.
Le groupe visita ensuite le passionnant musée arabo-américain de Dearborn. Un lieu de rassemblement et de culture qui retrace la présence arabe en Amérique depuis Moustapha Zemmouri, aux immigrations récentes, en passant par les ouvriers libanais de Détroit ou les réfugiés palestiniens. Une journée intensive qui s’acheva par une invitation dans la pizzeria de Mo Baydoun, un dynamique entrepreneur engagé devenu en 2021 le plus jeune président du conseil municipal de Dearborn Heights.
Des initiatives collaboratives pour engager de nouveaux défis
Il va sans dire que ces visites et rencontres fortement intéressantes et impactantes furent complétées par d’excellents moments de divertissement. Ce séjour de travail, rythmé de rencontres exceptionnelles, a permis autant aux participants du programme qu’à leurs interlocuteurs de nourrir leur vision et le sens de leur engagement. Il est clair désormais que, dans un monde devenu village, les collaborations ne peuvent qu’être bienvenues. L’amitié franco-américaine s’en retrouve renforcée et, déjà, des projets communs sont prévus.
La France et les Etats-Unis semblent devoir se nourrir mutuellement de leurs expériences partagées. Il n’y a ni perfection ni faillite totale dans la gestion d’une communauté musulmane a priori récente dans ces sociétés. Le regard américain, favorisant l’entraide intracommunautaire, et l’approche de la société française peuvent s’entrelacer pour obtenir une voie médiane, juste et satisfaisante.
Il serait particulièrement intéressant que des productions intellectuelles, militantes, voire culturelles et économiques, puissent naitre des deux rives de l’Atlantique, axées sur le fait musulman en contexte minoritaire. Les parties prenantes à ce programme prendront certainement des initiatives qui engageront de nouveaux défis et un nouveau type de relations diplomatiques, via les communautés religieuses.
*****
Hamza Braiki, participant au programme IVLP 2024, est fondateur de l'association Génération Gagnante ayant pour but d'œuvrer par différents moyens à l'épanouissement d'adolescents.
Lire aussi :
Présidentielle américaine 2024 : le tacle des musulmans contre les démocrates, « seuls responsables » de leur défaite face à Donald Trump
Aux Etats-Unis, une progression vertigineuse de la haine antimusulmane et anti-palestinienne
États-Unis : ces Américains musulmans qui se mobilisent pour le droit à l’avortement
Depuis les Etats-Unis, la montée de l’intolérance en Europe envers juifs et musulmans épinglée
La France et les Etats-Unis semblent devoir se nourrir mutuellement de leurs expériences partagées. Il n’y a ni perfection ni faillite totale dans la gestion d’une communauté musulmane a priori récente dans ces sociétés. Le regard américain, favorisant l’entraide intracommunautaire, et l’approche de la société française peuvent s’entrelacer pour obtenir une voie médiane, juste et satisfaisante.
Il serait particulièrement intéressant que des productions intellectuelles, militantes, voire culturelles et économiques, puissent naitre des deux rives de l’Atlantique, axées sur le fait musulman en contexte minoritaire. Les parties prenantes à ce programme prendront certainement des initiatives qui engageront de nouveaux défis et un nouveau type de relations diplomatiques, via les communautés religieuses.
*****
Hamza Braiki, participant au programme IVLP 2024, est fondateur de l'association Génération Gagnante ayant pour but d'œuvrer par différents moyens à l'épanouissement d'adolescents.
Lire aussi :
Présidentielle américaine 2024 : le tacle des musulmans contre les démocrates, « seuls responsables » de leur défaite face à Donald Trump
Aux Etats-Unis, une progression vertigineuse de la haine antimusulmane et anti-palestinienne
États-Unis : ces Américains musulmans qui se mobilisent pour le droit à l’avortement
Depuis les Etats-Unis, la montée de l’intolérance en Europe envers juifs et musulmans épinglée