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Arts & Scènes

Les chibanis, d’éternels « Invisibles » ?

Rédigé par | Jeudi 17 Octobre 2013 à 00:12

           


Invisibles, texte et mise en scène de Nasser Djemaï. (Photo : Philippe Delacroix)
Invisibles, texte et mise en scène de Nasser Djemaï. (Photo : Philippe Delacroix)
Il est une pièce de théâtre que l'on avait chaudement recommandée aux lecteurs de Salamnews n° 43 en mai dernier et qui joue ses derniers jours à Paris, au Théatre 13, avant de poursuivre sa tournée en régions jusqu'en 2014.

Alors, on rempile pour les lecteurs de Saphirnews afin qu'ils ne ratent pas cette superbe pièce au texte extrêmement bien écrit de Nasser Djemaï, que l'on avait découvert en 2008 lors de son one-man-show. « C'est un projet que j'avais depuis une dizaine d'années : des films, des romans sur les chibanis, il en existait, mais je ne trouvais jamais de pièce de théâtre qui leur était consacrée. »

Nourrie de témoignages que Nasser Djemaï a recueillis dans les foyers de travailleurs et les cafés sociaux (« J'ai la chance de parler arabe, je n'imaginais pas créer ce spectacle sans passer par cette phase passée sur le terrain »), la pièce Invisibles entremêle tragédie et comédie, fiction et réel.

Elle est portée par cinq formidables acteurs, dans une mise en scène sobre qui se veut à l'image du dépouillement auquel sont parvenus ces oubliés de l'Histoire. Les dialogues, non dépourvus d'humour, évoquent tout à la fois l'absence des liens familiaux, la solitude (« Si tu veux vivre, il faut oublier la famille »), l'indépendance de l'Algérie mais aussi l'absence d'horizon (« La santé, les papiers, la mosquée, c'est tout ce qu'il reste ») dans un quotidien qui, chaque jour, se répète inlassablement.

« Je savais que je ne pourrais pas tout raconter de l'histoire des chibanis, j'ai choisi des hommes qui n'ont pu faire venir leur famille », explique le metteur en scène, qui dit s'être également inspiré de sa propre mythologie familiale : « La première fois que mon père est venu en France, son obsession était de payer une maison à son père. (...) Je suis né en France, j'ai un frère et une sœur nés au pays ; ma mère me racontait que ma grande sœur, à force de pleurer, commençait à perdre la vue. » Des anecdotes que l'on retrouve au gré de la pièce Invisibles. « J'ai voulu procéder par petites touches, sinon on est dans la démonstration. »

Et l’on s’attache au parcours de ces chibanis, ces travailleurs immigrés du Maghreb qui ont construit la France des Trente Glorieuses, laquelle leur dénie aujourd’hui leur droit à pouvoir vivre pleinement leur retraite dans leur pays d’origine.

Sans être du théâtre documentaire ni politique, Invisibles fait œuvre de mémoire et peut être vue par les trois générations dites issues de l'immigration.... mais pas seulement. « Ce n'est pas qu'une histoire de chibanis », insiste Nasser Djemaï. « "Invisibles" est une histoire universelle qui raconte la quête du fils à la recherche de son père, évoque les travailleurs de l'ombre, l'Histoire de la France, traite de la question de la vieillesse et de la pauvreté... ». Elle est aussi, dirons-nous, celle de la quête intérieure et de l'abandon de tous les vains espoirs.


Invisibles, texte et mise en scène de Nasser Djemaï
Avec : David Arribe, Angelo Aybar, Azzedine Bouayad, Azize Kabouche, Kader Kada, Lounès Tazaïrt.

En savoir plus sur la pièce, l'auteur et les dates de tournées : nasserdjemai.com


Journaliste à Saphirnews.com ; rédactrice en chef de Salamnews En savoir plus sur cet auteur


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