De g. à dr. : Chems-Eddine Hafiz (recteur de la Grande Mosquée de Paris), Fr. Dominique Lebon (Ordres des Frères mineurs capucins, Créteil), Jigmé Thrinlé Gyasto (co-président de l’Union bouddhiste de France), Abd-al-Haqq Guiderdoni (directeur de l’IHEI), Abd-al-Wadoud Gouraud (IHEI), P. Serge Sollogoub (recteur de la paroisse Saint-Jean-le-Théologien, Meudon).
Samedi 17 juin, quelques jours avant le début de la saison rituelle du hajj, le grand pèlerinage à La Mecque, l’Institut des hautes études islamiques (IHEI) a organisé, à la Grande Mosquée de Paris, une table-ronde interreligieuse intitulée « Chemins de pèlerinage et cheminement spirituel entre Orient et Occident ».
D’aucuns penseront, en lisant ce titre évocateur suggérant l’unité de l’Esprit dans la diversité des religions, qu’il est possible de gravir la montagne par des voies multiples qui mènent toutes au même et unique sommet.
D’aucuns penseront, en lisant ce titre évocateur suggérant l’unité de l’Esprit dans la diversité des religions, qu’il est possible de gravir la montagne par des voies multiples qui mènent toutes au même et unique sommet.
Chrétiens, musulmans et bouddhistes autour d'une même table
C’est dans la salle des conférences, renommée depuis peu « salle Emir Abdelkader », que les participants ont été accueillis par le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz. Celui-ci a voulu rappeler que la mosquée est un lieu de prière, mais également un espace de dialogue, de connaissance réciproque et de reconnaissance mutuelle, où peuvent converger et se rencontrer les différentes expressions de la spiritualité.
Le père Serge Sollogoub, archiprêtre, recteur de la paroisse Saint-Jean-le-Théologien à Meudon, a évoqué « le pèlerinage de la vie », citant saint Siméon selon lequel, « sur la terre, il faut parcourir les chemins de l’existence comme une vie qui mène à Dieu ». Son intervention s’est conclue par un extrait des Récits d’un pèlerin russe, l’un des chefs-d’œuvre spirituels de l’orthodoxie russe, qui nous fait découvrir la « prière du cœur » de l’hésychasme, qui consiste à « prier sans cesse, tout en agissant et vivant les contraintes de la vie ordinaire ».
Le frère Dominique Lebon, de l’Ordre des Frères mineurs capucins à Créteil, s’est inspiré de l’exemple de saint François d’Assise, dont l’expérience spirituelle et la quête du Divin le conduisirent, après s’être égaré dans des sentiers mondains, à prendre part à la cinquième croisade avec l’intention de se rendre en pèlerinage à Jérusalem. C’est dans le cadre de ce voyage qu’il rencontra, en 1219, à Damiette, le sultan al-Malik al-Kâmil. Celui qui est appelé « le petit pauvre du Christ » allait trouver ainsi la proximité de Dieu dans la compagnie des hommes et au sein de la création tout entière, ce dont il témoignera, à la fin de sa vie, à travers son Cantique de Frère Soleil.
Le lama Jigmé Thrinlé Gyasto, co-président de l’Union Bouddhiste de France, a insisté, pour sa part, sur les différents niveaux de pèlerinages, à la fois extérieurs et intérieurs, avec leurs conditions, leurs obstacles et leurs ouvertures, visant à favoriser la transformation de l’âme jusqu’à l’éveil. Si l’intention et l’enthousiasme doivent animer et accompagner le pèlerin tout au long du chemin, l’effort physique et spirituel est finalement dépassé, sublimé, dans le détachement et la prise de conscience que le but à atteindre sera toujours au-delà de la compréhension humaine. Le lama a conclu avec un aphorisme énigmatique du maître du bouddhisme tibétain Milarépa : i[« Cherche ! Si tu ne trouves rien, tu es sur la bonne voie. »]I
L’imam Abd-al-Wadoud Gouraud, membre de l’IHEI, a livré, en conclusion, un témoignage de foi présentant ce que les maîtres musulmans appellent « les règles spirituelles et les secrets du pèlerinage », titre d’un ouvrage du théologien et soufi égyptien du XVIe siècle Sharani, dont une traduction en français par ses soins est parue récemment.
Soulignant la valeur éminemment symbolique des rites constitutifs du cinquième pilier de l’islam, l’imam a évoqué l’habit du pèlerin musulman, vêtu de deux pièces de tissu blanc sans couture, à l’image du lange du nouveau-né, mais aussi du linceul du défunt rejoignant son Créateur. Autour du temple de la Kaaba, « maison sacrée de Dieu », symbole du cœur du croyant où réside la présence divine, les pèlerins invoquent le Nom de Dieu, circulent et marchent dans les pas des prophètes, d’Adam à Muhammad, en passant par Abraham, Hajar et leur fils Ismaël.
Le père Serge Sollogoub, archiprêtre, recteur de la paroisse Saint-Jean-le-Théologien à Meudon, a évoqué « le pèlerinage de la vie », citant saint Siméon selon lequel, « sur la terre, il faut parcourir les chemins de l’existence comme une vie qui mène à Dieu ». Son intervention s’est conclue par un extrait des Récits d’un pèlerin russe, l’un des chefs-d’œuvre spirituels de l’orthodoxie russe, qui nous fait découvrir la « prière du cœur » de l’hésychasme, qui consiste à « prier sans cesse, tout en agissant et vivant les contraintes de la vie ordinaire ».
Le frère Dominique Lebon, de l’Ordre des Frères mineurs capucins à Créteil, s’est inspiré de l’exemple de saint François d’Assise, dont l’expérience spirituelle et la quête du Divin le conduisirent, après s’être égaré dans des sentiers mondains, à prendre part à la cinquième croisade avec l’intention de se rendre en pèlerinage à Jérusalem. C’est dans le cadre de ce voyage qu’il rencontra, en 1219, à Damiette, le sultan al-Malik al-Kâmil. Celui qui est appelé « le petit pauvre du Christ » allait trouver ainsi la proximité de Dieu dans la compagnie des hommes et au sein de la création tout entière, ce dont il témoignera, à la fin de sa vie, à travers son Cantique de Frère Soleil.
Le lama Jigmé Thrinlé Gyasto, co-président de l’Union Bouddhiste de France, a insisté, pour sa part, sur les différents niveaux de pèlerinages, à la fois extérieurs et intérieurs, avec leurs conditions, leurs obstacles et leurs ouvertures, visant à favoriser la transformation de l’âme jusqu’à l’éveil. Si l’intention et l’enthousiasme doivent animer et accompagner le pèlerin tout au long du chemin, l’effort physique et spirituel est finalement dépassé, sublimé, dans le détachement et la prise de conscience que le but à atteindre sera toujours au-delà de la compréhension humaine. Le lama a conclu avec un aphorisme énigmatique du maître du bouddhisme tibétain Milarépa : i[« Cherche ! Si tu ne trouves rien, tu es sur la bonne voie. »]I
L’imam Abd-al-Wadoud Gouraud, membre de l’IHEI, a livré, en conclusion, un témoignage de foi présentant ce que les maîtres musulmans appellent « les règles spirituelles et les secrets du pèlerinage », titre d’un ouvrage du théologien et soufi égyptien du XVIe siècle Sharani, dont une traduction en français par ses soins est parue récemment.
Soulignant la valeur éminemment symbolique des rites constitutifs du cinquième pilier de l’islam, l’imam a évoqué l’habit du pèlerin musulman, vêtu de deux pièces de tissu blanc sans couture, à l’image du lange du nouveau-né, mais aussi du linceul du défunt rejoignant son Créateur. Autour du temple de la Kaaba, « maison sacrée de Dieu », symbole du cœur du croyant où réside la présence divine, les pèlerins invoquent le Nom de Dieu, circulent et marchent dans les pas des prophètes, d’Adam à Muhammad, en passant par Abraham, Hajar et leur fils Ismaël.
Au-delà du voyage rituel des corps
A l’issue des interventions, les échanges avec le public ont permis de mettre en évidence, au-delà des différences de formes et de rites, l’universalité du pèlerinage de l’Orient à l’Occident, pratique essentielle qu’on retrouve dans toutes les religions et traditions spirituelles de l’humanité. Voyage rituel des corps donc, mais plus encore ascension de l’âme vers la découverte de l’Esprit qui l’illumine, le pèlerinage des hommes et des femmes vers les lieux saints manifeste le retour vers le Centre, et permet de comprendre que notre vie tout entière est cheminement vers l’Absolu.
C’est en cela que réside toute l’actualité du pèlerinage, mais aussi et surtout, celle de la vie spirituelle à une époque de plus en plus chaotique et sécularisée. Puissent une telle rencontre au sommet, et la commémoration du sacrifice d’Abraham et de son fils marquant la fin du pèlerinage à La Mecque, contribuer à l’unité, à la fraternité, à l’amitié, à la connaissance et à la paix des cœurs, dont l’humanité a tant besoin.
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Abd-al-Haqq Guiderdoni est directeur de l’Institut des hautes études islamiques (IHEI) et vice-président de l’Institut français de civilisation musulmane (IFCM) à Lyon.
Lire aussi :
Le pèlerinage à La Mecque, une affaire française : une histoire du hajj sous la loupe de Luc Chantre
Les Sept Dormants ou les Gens de la Caverne : un héritage spirituel chrétien et musulman
Lieux saints partagés : une ode à la coexistence des cultes
« Lieux saints partagés », entre dévotions communes et divisions
C’est en cela que réside toute l’actualité du pèlerinage, mais aussi et surtout, celle de la vie spirituelle à une époque de plus en plus chaotique et sécularisée. Puissent une telle rencontre au sommet, et la commémoration du sacrifice d’Abraham et de son fils marquant la fin du pèlerinage à La Mecque, contribuer à l’unité, à la fraternité, à l’amitié, à la connaissance et à la paix des cœurs, dont l’humanité a tant besoin.
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Abd-al-Haqq Guiderdoni est directeur de l’Institut des hautes études islamiques (IHEI) et vice-président de l’Institut français de civilisation musulmane (IFCM) à Lyon.
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