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Société

A l’Assemblée nationale, l’avenir de la laïcité en France en débat

Rédigé par Linda Lefebvre | Jeudi 26 Septembre 2019 à 17:00

           

« Quel avenir pour la laïcité en France ? » C’est le thème de la conférence organisée jeudi 25 septembre, à l’Assemblée Nationale, par le mouvement Emancipation des Territoires et Inclusion Collective (ETIC). Dans un contexte de débats et de crispations autour de la question du port du voile pour les mères lors de sorties scolaires, historiens, sociologues et politologues se sont réunis pour poser les enjeux et les défis de la laïcité d’aujourd’hui.



« Quel avenir pour la laïcité en France ? » C’est le thème de la conférence organisée jeudi 25 septembre, à l’Assemblée Nationale, par le mouvement Emancipation des Territoires et Inclusion Collective (ETIC). © Patrice Anato/Twitter
« Quel avenir pour la laïcité en France ? » C’est le thème de la conférence organisée jeudi 25 septembre, à l’Assemblée Nationale, par le mouvement Emancipation des Territoires et Inclusion Collective (ETIC). © Patrice Anato/Twitter
« On joue la carte de la laïcité parfois comme un glaive, parfois comme un bouclier », entame Rose Meziane, présidente du Mouvement ETIC, à l’ouverture du débat sur l’avenir de la laïcité en France. Accueillie par le député LREM Patrice Anato, cette session a réuni cinq experts devant un parterre hétéroclite d’une centaine de citoyens. Rappelant que la laïcité est « un sujet cardinal », l’élu de la Seine-Saint-Denis a précisé que « ce régime est le seul qui préserve les croyances de chacun ». Dans ce cas, pourquoi autant de frictions autour d’un cadre censé garantir la liberté de tous ?

Pour Pascal Blanchard, historien spécialiste de l’immigration, le rapport de l’État français aux religions apparues en France après la loi de 1905 est héritier d’une tradition coloniale. « La laïcité qui sépare le religieux du politique s’appliquait en France métropolitaine, mais pas dans les colonies, où l’islam était soit un ami, soit un ennemi », explique-t-il. En somme, « la République a toujours pris des libertés avec la loi de 1905 en fonction des territoires et des administrations qui la géraient ». Pour celui qui co-dirige le Groupe de recherche ACHAC, c’est toujours la même République et les mêmes valeurs qui gèrent la question du fait religieux, en France. Rachid Benzine, islamologue, développe : « Derrière la question de l’islam, c’est la question de l’Algérie qui n’est pas résolue. »

D'une laïcité libérale à une laïcité de surveillance

Depuis 1905, la conception et les applications de la laïcité ont évolué car « la loi créé elle-même les conditions de son évolution », a expliqué l’historien Jean Baubérot. Ainsi, Philippe Portier, sociologue, historien et vice-président de l’École pratique des hautes études (EPHE), a retracé les évolutions de la notion de laïcité dans la société française : « La première période était celle d’une séparation libérale alors que, depuis une vingtaine d’années, nous sommes dans une politique de surveillance de certains cultes et en particulier de l’islam. » Ainsi, depuis les années 1980, le débat porte sur la visibilité et les affirmations identitaires. « On pensait que la visibilité était une planche d’appel vers la radicalité », a illustré Philippe Portier.

« On a eu une politique de privatisation de la foi qui pose problème. (…) La liberté, au début du 20e siècle, était dans l’espace privé mais aussi public. La neutralité qui était hier dévolue à l’Etat s’étend à la société », ajoute-il.

Dernière polémique en date, l’affiche de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) montrant une femme voilée dans le rôle d’une accompagnatrice de sortie scolaire. Jean-Michel Blanquer « semble être pour une laïcité exclusiviste avec l’idée que le religieux doit se taire, ce qui est contraire à la philosophie initiale de la loi de 1905 », a commenté Philippe Portier. Ainsi, comme l’a souligné Rachid Benzine, la laïcité est entrée dans le « champ des valeurs » et, de ce fait, « elle s’oppose à la religion, qui est elle aussi une valeur ».

Un chemin vers l’apaisement ?

Dans ce contexte d’incompréhensions et de malentendus au sein de la société française, Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, a rappelé que cette dernière « permet la parfaite déclinaison des valeurs républicaines : liberté, égalité, fraternité ».

Voir aussi la vidéo de La Casa del Hikma : La laïcité, un outil contre les religions en France ?

Ainsi, depuis sa création en 2007, cet organisme rattaché administrativement au Premier ministre s’attache à rappeler régulièrement aux institutions, aux médias ou encore aux acteurs de terrain ce qu’est réellement la laïcité et la manière de l’exercer au regard de l’évolution de la société française.

Alors que la laïcité est souvent présentée lorsqu’elle est considérée comme étant en danger, les experts invités au débat ont appelé à relativiser l’ampleur de la crise. « Il y a une dissension entre les médias qui nous abreuvent, les petites phrases des politiques et la réalité. La réalité n’est pas l’actualité », a rappelé Rachid Benzine. Une réalité renvoyant à l’objectif initial de liberté et de vivre-ensemble de la loi de 1905. « Notre modèle se fait au regard de ce que les citoyens en font », a conclu Pascal Blanchard.

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