Connectez-vous S'inscrire

Points de vue

Frantz Fanon - Gaza : accomplir sa mission ou la trahir, l’humanité face à elle-même

Rédigé par Nassurdine Haidari et Chahidati Soilihi | Vendredi 11 Avril 2025

           


Frantz Fanon - Gaza : accomplir sa mission ou la trahir, l’humanité face à elle-même
Aucun attentat, fût-il celui du 11-Septembre, ne peut justifier ce qui se déroule aujourd’hui dans la bande de Gaza. La disproportion de la réponse militaire israélienne, sa durée, sa violence systémique, placent cette opération dans une autre catégorie : celle des grandes hontes morales de notre temps. Une barbarie froide, méthodique, qui ne vise plus seulement à punir, mais à effacer.

Depuis octobre 2023, Gaza est devenue un champ de mort. Les chiffres sont accablants : plus de 50 000 morts, dont une majorité de femmes et d’enfants, dans un territoire de seulement 2,3 millions d’habitants. À titre de comparaison, l’invasion de l’Irak par les États-Unis (2003–2011), aussi critiquée soit-elle, avait fait environ 162 000 morts dans un pays dix fois plus peuplé. Le taux de mortalité à Gaza est aujourd’hui environ trois fois supérieur à celui de l’Irak. Ce n’est plus une opération militaire : c’est une extermination à ciel ouvert.

Cette cruauté n’est pas un accident de guerre, elle est une stratégie

Le président Emmanuel Macron, en se rendant à la frontière de Gaza en avril 2025, a été informé par des ONG et des diplomates des horreurs qui s’y déroulent. Au moins 175 journalistes ont été tués à Gaza depuis octobre 2023 — un chiffre qui fait de cette guerre la plus meurtrière pour la presse de l’histoire contemporaine.

Les témoignages des ONG internationales révèlent des scènes d'une violence inimaginable : des quartiers entiers rasés, des personnes calcinées dans des refuges supposés sûrs, des milliers d’enfants mutilés, des opérations chirurgicales pratiquées à même le sol, sans anesthésie, faute de matériel. Les hôpitaux sont devenus des morgues, les écoles des cibles. Cette cruauté n’est pas un accident de guerre, elle est une stratégie.

La Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide définit ce crime comme des actes commis avec l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Amnesty International, Human Rights Watch ainsi que des juristes et experts de l’ONU, alertent : ce qui se passe à Gaza remplit les critères du génocide. Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, parle de « champ de mort ». Le mot est posé.

Aucune violence ne garantira la pérennité d’Israël

Pourquoi ce silence en France ? Pourquoi cette frilosité à nommer les choses ? Une presse qui tait les crimes devient la plume des bourreaux. Une intelligentsia qui évite le sujet par confort ou peur participe à la déshumanisation. Une génération d’artistes qui se tait se rend complice d’un effacement.

Nous devons parler au peuple israélien : vous ne pouvez pas, en tant que société, rester silencieux ou soutenir de telles atrocités. Car l’histoire jugera. L’histoire retiendra que vous avez repris à votre compte des concepts d’« espace vital », d’« épuration », de « pacification par la force » — ceux-là mêmes qui ont justifié les crimes les plus atroces du XXe siècle.

Aucune violence ne garantira la pérennité d’Israël. Seule la justice, la reconnaissance du droit de l’autre à exister, et une paix fondée sur l’égalité le permettront.

Nous sommes les enfants de Solitude, de Nelson Mandela, d’Aimé Césaire, de Fatima Karibangwe, de Rosa Parks, de Harriet Tubman, d’Ilan Papé, de Malcolm X, de Martin Luther King et de toutes celles et ceux qui, face à l’injustice, se sont levés, parfois seuls, parfois à mains nues. Leur héritage n’est pas un passé figé : c’est une responsabilité vivante.

« Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir. » (Les Damnés de la Terre, Frantz Fanon

Notre mission est aujourd’hui claire : mettre des mots sur l’horreur, dire le nom du génocide, et défendre, coûte que coûte, l’idée même d'humanité et reconnaître la Palestine.

*****
Nassurdine Haidari, ancien élu socialiste de Marseille, est président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN). Chahidati Soilihi est deuxième adjointe des quartiers nord de Marseille, chargée de la solidarité, de l’écologie populaire et de la lutte contre les exclusions.

Lire aussi :
En Egypte, ce qu'il faut retenir des mots d'Emmanuel Macron sur Gaza
A l'Institut du monde arabe, lumière sur le patrimoine palestinien de Gaza sauvé des destructions par l'exil
Le CFCM dénonce « l’exécution filmée » des secouristes de Gaza par Israël
Après la rupture de la trêve par Israël, la détresse est totale à Gaza
Gaza – Et si nous n'étions plus des Hommes ?
A Gaza, Israël accusé par l'ONU de commettre des « actes génocidaires »
« Crime d’extermination » et « actes de génocide » à Gaza : de nouvelles lourdes accusations contre Israël
Les Palestiniens de Gaza sont « victimes d'un génocide » : les conclusions accablantes d'Amnesty International




Complete your gift to make an impact