A peine annoncé par le Conseil français du culte musulman (CFCM) en novembre, le projet du Conseil national des imams (CNI) était bruyamment fustigé dans les rangs des musulmans. A l’intérieur aussi, les discussions entre les membres de l’instance musulmane, à qui le président de la République, Emmanuel Macron, avait placé une « confiance » qui les « oblige », n'étaient pas de tout repos.
La « charte des valeurs » étant vite devenue un préalable à l'avancée des travaux autour du CNI, les fédérations devaient ainsi se mettre d’accord sur le contenu du document, qui devait être présenté à l’Elysée et au ministère de l’Intérieur sous deux semaines, au début du mois de décembre, avant signature de toutes les organisations musulmanes concernées. Cinq semaines plus tard, et après un nouveau report de réunion Place Beauvau le 23 décembre, c’est désormais peine perdue avec le retrait fracassant de la Grande Mosquée de Paris du projet, annoncée par ses soins lundi 28 décembre.
La « charte des valeurs » étant vite devenue un préalable à l'avancée des travaux autour du CNI, les fédérations devaient ainsi se mettre d’accord sur le contenu du document, qui devait être présenté à l’Elysée et au ministère de l’Intérieur sous deux semaines, au début du mois de décembre, avant signature de toutes les organisations musulmanes concernées. Cinq semaines plus tard, et après un nouveau report de réunion Place Beauvau le 23 décembre, c’est désormais peine perdue avec le retrait fracassant de la Grande Mosquée de Paris du projet, annoncée par ses soins lundi 28 décembre.
Un texte « ambitieux et clair » qui ne faisait pas l’unanimité
« Au lendemain de l'effroyable crime qui a coûté la vie à Samuel Paty, le chef de l'État avait exprimé sa volonté de voir toutes les instances musulmanes prendre leurs distances, de manière officielle et tangible, avec toute forme de propos séparatistes. Cette nécessaire clarification devait se matérialiser à travers l'élaboration d'une "charte des valeurs" », a indiqué dans un communiqué le recteur de la Grande Mosquée de Paris (GMP) Chems-Eddine Hafiz, qui déclare avoir soutenu l’initiative « dans un but pédagogique, afin que notre jeunesse musulmane notamment, puisse comprendre que rien ne l'empêche, en France, de vivre, de façon harmonieuse, sa citoyenneté et sa foi ».
Cette charte devait initialement, et dans les grandes lignes, proclamer l’attachement aux valeurs de la République, reconnaître que l’islam est une religion et non un mouvement politique et stipuler le refus de l'ingérence étrangère dans la gestion du culte musulman en France. Du coté du recteur, ce devait être « un texte ambitieux et clair » qui devait être rendu public courant du mois de décembre. Une mouture reprenant « les contributions de la plupart des fédérations » a été soumise par le président du CFCM Mohammed Moussaoui, en vue d’être adoptée.
« Son contenu respectait incontestablement la dignité de chaque musulman et sa foi, exprimait un attachement à toutes les lois de la République et aux principes qui fondent notre société », a estimé le recteur de la GMP, qui espérait un document au contenu « à même de répondre à tous les enjeux de notre époque, pour mettre fin définitivement aux ambiguïtés entretenues par certains courants qui ont pris l'habitude de faire de notre religion un levier de manipulation à des fins politiciennes, dévoyant ainsi le message de l'islam ».
Cette charte devait initialement, et dans les grandes lignes, proclamer l’attachement aux valeurs de la République, reconnaître que l’islam est une religion et non un mouvement politique et stipuler le refus de l'ingérence étrangère dans la gestion du culte musulman en France. Du coté du recteur, ce devait être « un texte ambitieux et clair » qui devait être rendu public courant du mois de décembre. Une mouture reprenant « les contributions de la plupart des fédérations » a été soumise par le président du CFCM Mohammed Moussaoui, en vue d’être adoptée.
« Son contenu respectait incontestablement la dignité de chaque musulman et sa foi, exprimait un attachement à toutes les lois de la République et aux principes qui fondent notre société », a estimé le recteur de la GMP, qui espérait un document au contenu « à même de répondre à tous les enjeux de notre époque, pour mettre fin définitivement aux ambiguïtés entretenues par certains courants qui ont pris l'habitude de faire de notre religion un levier de manipulation à des fins politiciennes, dévoyant ainsi le message de l'islam ».
Des fédérations « islamistes » accusées de « sabordage »
Alors que « tout semblait se dérouler dans des conditions normales jusqu'à la mi-décembre », Chems-Eddine Hafiz voit ses ambitions pour la charte bloquées. Il dénonce « la composante islamiste au sein du CFCM, notamment celle liée à des régimes étrangers hostiles à la France » qui « a insidieusement bloqué les négociations en remettant en cause presque systématiquement certains passages importants ».
« Des membres de la mouvance islamiste sont allés jusqu'à réaliser des manipulations médiatiques, salissant notre honneur et, dans le contexte, mettant ainsi notre vie en danger, faisant croire que cette charte avait pour ambition de toucher à la dignité des fidèles musulmans. Ce qui est un mensonge éhonté, dont les conséquences peuvent être particulièrement graves », déclare-t-il. L'allusion est faite, sans le citer, à l’article de Mediapart en date du 16 décembre dans lequel des extraits d’une version non finie mais avancée de la charte avaient été relayés.
Dans cette mouture, il était notamment question de dénoncer l’existence d’un « prétendu racisme d’Etat », qui « ne recouvre aucune réalité en France ». Dans celle voulue par la GMP, il était aussi question de nommer les courants de l’islam politique (« wahhabisme, salafisme, doctrine des Frères musulmans et plus généralement toute mouvance locale, transnationale ou internationale qui vise à utiliser l’islam afin d’asseoir une doctrine politique »), un point qui a aussi suscité, rapporte Mohamed Sifaoui au JDD, des oppositions parmi Musulmans de France (ex-UOIF), la Confédération islamique Milli Görus (CIMG) et Foi & Pratique (tabligh).
« Cette composante islamiste agissante au sein du CFCM œuvre, comme à son habitude, en coulisses et en surface, pour saborder toutes les initiatives qui visent à créer des rapprochements salutaires entre les musulmans de France et la communauté nationale », appuie Chems-Eddine Hafiz, qui déclare faire preuve de « franchise » et de « clarté », sans nommer clairement les fédérations visées par ses accusations.
« Des membres de la mouvance islamiste sont allés jusqu'à réaliser des manipulations médiatiques, salissant notre honneur et, dans le contexte, mettant ainsi notre vie en danger, faisant croire que cette charte avait pour ambition de toucher à la dignité des fidèles musulmans. Ce qui est un mensonge éhonté, dont les conséquences peuvent être particulièrement graves », déclare-t-il. L'allusion est faite, sans le citer, à l’article de Mediapart en date du 16 décembre dans lequel des extraits d’une version non finie mais avancée de la charte avaient été relayés.
Dans cette mouture, il était notamment question de dénoncer l’existence d’un « prétendu racisme d’Etat », qui « ne recouvre aucune réalité en France ». Dans celle voulue par la GMP, il était aussi question de nommer les courants de l’islam politique (« wahhabisme, salafisme, doctrine des Frères musulmans et plus généralement toute mouvance locale, transnationale ou internationale qui vise à utiliser l’islam afin d’asseoir une doctrine politique »), un point qui a aussi suscité, rapporte Mohamed Sifaoui au JDD, des oppositions parmi Musulmans de France (ex-UOIF), la Confédération islamique Milli Görus (CIMG) et Foi & Pratique (tabligh).
« Cette composante islamiste agissante au sein du CFCM œuvre, comme à son habitude, en coulisses et en surface, pour saborder toutes les initiatives qui visent à créer des rapprochements salutaires entre les musulmans de France et la communauté nationale », appuie Chems-Eddine Hafiz, qui déclare faire preuve de « franchise » et de « clarté », sans nommer clairement les fédérations visées par ses accusations.
Imposer son leadership face au CFCM
Parce qu’il estime que « la représentation des musulmans mérite autre chose que des manœuvres dilatoires et des agissements douteux entourés d'actions qui cherchent à diviser la communauté nationale et à séparer les Français de confession musulmane de leur société », la Grande Mosquée de Paris a décidé de son retrait des discussions autour du projet de charte, « de ne plus participer aux réunions qui visent à mettre en œuvre le projet du Conseil national des imams et de geler tous les contacts avec l'ensemble de la composante islamiste du CFCM ».
« Cette décision, mûrement réfléchie, est irrévocable », a-t-il déclaré, voulant dire aux musulmans de France, « à travers la position qui est la (sienne), que certains milieux islamistes, en multipliant ces agissements irresponsables, sont en train de compromettre l'avenir de notre religion en France, de nos enfants et de l'unité nationale ».
Le retrait tout juste annoncé de la GMP se fait avec grand bruit mais n'est pas une surprise en soi. Depuis plusieurs mois, la Grande Mosquée de Paris a les coudées franches pour tenter d’imposer son leadership face au CFCM. Le projet du CNI semble, aujourd’hui plus que jamais, mort-né aux yeux de nombreux acteurs du culte musulman. Contacté par la rédaction, Mohammed Moussaoui n’a pas répondu à nos sollicitations.
Mise à jour mardi 29 décembre : Après le retrait de la Grande Mosquée de Paris, le président du CFCM riposte et appelle à des explications face aux accusations lancées par le recteur Chems-Eddine Hafiz.
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