L’exposition « JAVA Art Energy », à l’Institut des cultures d’islam, est traversée par quatre grands thèmes : la poussée de l’islam radical, l’urbanisation sauvage, le passé colonial et le lien entre Nature et spiritualité. Ici, l’œuvre « SEKE/Waterspring » (2018), de Muhammad Zico Albaiquni.
Inédit. L’art contemporain indonésien s’expose pour la première fois avec une telle ampleur en France. Avec « JAVA Art Energy », qui se tient du 27 septembre 2018 au 24 février 2019, l’Institut des cultures d’islam nous fait découvrir un territoire largement méconnu.
Pourtant, l’Indonésie, qui compte quelque 17 000 îles, est le plus grand archipel du monde et le premier pays à majorité musulmane. L’hindouisme, le bouddhisme, le catholicisme, le protestantisme et les religions traditionnelles cohabitent certes, mais c’est l’islam qui imprègne la vie des 260 millions habitants, à 90 % musulmans. L’islam, plutôt soufi, est arrivé entre le XIIe et le XIIIe siècle par les navigateurs et les marchands arabes, perses, indiens, jusqu’à supplanter le brahmanisme, le bouddhisme et l’hindouisme au XVIe siècle, en devenant la religion principale.
Avec 150 millions d’habitants, l’île de Java constitue, quant à elle, le centre économique et artistique du pays, où les cultures d’islam sont le plus présentes. C’est à travers les œuvres de 13 artistes habitant l’île de Java que l’on part ainsi à la découverte de l’art contemporain indonésien. Un foisonnement créatif (peintures, photos, vidéos, installations, BD, art participatif…) imprégné de spiritualité et de regards acidulés sur la colonisation, sur la montée des intégrismes et sur le développement industriel et immobilier qui va au détriment de la Nature.
« Les artistes sont toujours en éveil. Ils sont là pour devancer les crises », rappelle Bariza Khiari, présidente de l’Institut des cultures d’islam. « Dans l’exposition “JAVA Art Energy”, les artistes indonésiens montrent leur inquiétude face à trois sujets : la déforestation, l’environnement et le climat ; la montée de l’obscurantisme alors que l’islam était assez apaisé et se coordonnait bien avec les autres pratiques religieuses locales ; les dégâts de la colonisation néerlandaise. »
Pourtant, l’Indonésie, qui compte quelque 17 000 îles, est le plus grand archipel du monde et le premier pays à majorité musulmane. L’hindouisme, le bouddhisme, le catholicisme, le protestantisme et les religions traditionnelles cohabitent certes, mais c’est l’islam qui imprègne la vie des 260 millions habitants, à 90 % musulmans. L’islam, plutôt soufi, est arrivé entre le XIIe et le XIIIe siècle par les navigateurs et les marchands arabes, perses, indiens, jusqu’à supplanter le brahmanisme, le bouddhisme et l’hindouisme au XVIe siècle, en devenant la religion principale.
Avec 150 millions d’habitants, l’île de Java constitue, quant à elle, le centre économique et artistique du pays, où les cultures d’islam sont le plus présentes. C’est à travers les œuvres de 13 artistes habitant l’île de Java que l’on part ainsi à la découverte de l’art contemporain indonésien. Un foisonnement créatif (peintures, photos, vidéos, installations, BD, art participatif…) imprégné de spiritualité et de regards acidulés sur la colonisation, sur la montée des intégrismes et sur le développement industriel et immobilier qui va au détriment de la Nature.
« Les artistes sont toujours en éveil. Ils sont là pour devancer les crises », rappelle Bariza Khiari, présidente de l’Institut des cultures d’islam. « Dans l’exposition “JAVA Art Energy”, les artistes indonésiens montrent leur inquiétude face à trois sujets : la déforestation, l’environnement et le climat ; la montée de l’obscurantisme alors que l’islam était assez apaisé et se coordonnait bien avec les autres pratiques religieuses locales ; les dégâts de la colonisation néerlandaise. »
Contre l’obscurantisme, des œuvres sarcastiques
Sous le thème « Islam et société », les œuvres témoignent de l’enchevêtrement entre le séculaire et le religieux et l’interprétation qu’en font les artistes est à la fois sombre et sarcastique.
À Jakarta, capitale de l’Indonésie et ville tentaculaire, tout le monde circule à deux-roues. Pour se moquer de celles et de ceux qui ne mettraient pas de casque en raison du port de couvre-chef religieux, des casques de mobylette sont peints du bonnet crocheté ou du voile islamique pour que les motocyclistes puissent rouler en toute sécurité tout en étant visibilisés « musulmans ».
À Jakarta, capitale de l’Indonésie et ville tentaculaire, tout le monde circule à deux-roues. Pour se moquer de celles et de ceux qui ne mettraient pas de casque en raison du port de couvre-chef religieux, des casques de mobylette sont peints du bonnet crocheté ou du voile islamique pour que les motocyclistes puissent rouler en toute sécurité tout en étant visibilisés « musulmans ».
Une grande fresque représentant deux mains jointes en invocation sur lesquelles est apposé le verset coranique « Telles sont les paraboles que Nous citons aux gens ; cependant, seuls les savants les comprennent » (s. 29, v. 43) est un clin d’œil aux stickers que les chauffeurs de bus accolent fréquemment dans leur véhicule.
La série « Si Tintin était né en Indonésie », d’Adhya Ranadireksa, s’empare du personnage mondialement connu de la culture populaire pour émettre une critique du fondamentalisme religieux qui imprègne depuis quelques années le pays.
La série « Si Tintin était né en Indonésie », d’Adhya Ranadireksa, s’empare du personnage mondialement connu de la culture populaire pour émettre une critique du fondamentalisme religieux qui imprègne depuis quelques années le pays.
Les couvertures de la célèbre bande dessinée sont détournées. « Tintin aux pays des cœurs noirs » fait allusion à l’obscurantisme. « La Lune et l’Étoile mystérieuses » fait référence au parti islamiste Bulan Bitang (parti de la lune et de l’étoile). « L’appel du jihad d’or » avec un capitaine Haddock à dos de chameau et bâton de dynamite à la main, surmonté d’un drapeau noir, n’est pas sans rappeler l’imagerie de Daesh.
La série photographique « Me and my wife… Me and my wives » est un autoportrait de l’artiste avec sa femme, puis… ses femmes de plus en plus couvertes des pieds à la tête. Adhya Ranadireksa, né dans une famille musulmane pratiquante, montre l’évolution de la société qui accepte de plus en plus la polygamie et tend vers le radicalisme : le port d’habits traditionnels indonésiens à celui du niqab et de la longue barbe en témoigne.
La série photographique « Me and my wife… Me and my wives » est un autoportrait de l’artiste avec sa femme, puis… ses femmes de plus en plus couvertes des pieds à la tête. Adhya Ranadireksa, né dans une famille musulmane pratiquante, montre l’évolution de la société qui accepte de plus en plus la polygamie et tend vers le radicalisme : le port d’habits traditionnels indonésiens à celui du niqab et de la longue barbe en témoigne.
La capacité des peuples à se révolter
Plus politique, une autre partie de l’exposition aborde l’Histoire du pays. Réalisée sur place par Eddy Susanto, l’immense œuvre « La Liberté Giyanti » reproduit aux mêmes dimensions le tableau « La Liberté guidant le peuple », d’Eugène Delacroix.
Mais, si l’on s’approche de l’œuvre, on s’aperçoit que personnages et décors ne sont pas peints mais sont dessinés en écriture (de l’ancien javanais). Il s’agit d’un texte de poésie du XIXe siècle qui relate la lutte fratricide entre deux princes qui se sont partagé le dernier royaume de l’île. Cet immense et superbe calligramme imbrique deux soulèvements populaires historiques en France et en Indonésie. L’artiste rend ainsi hommage à la capacité des peuples, quelle que soit leur culture, à se révolter contre les injustices.
Mais, si l’on s’approche de l’œuvre, on s’aperçoit que personnages et décors ne sont pas peints mais sont dessinés en écriture (de l’ancien javanais). Il s’agit d’un texte de poésie du XIXe siècle qui relate la lutte fratricide entre deux princes qui se sont partagé le dernier royaume de l’île. Cet immense et superbe calligramme imbrique deux soulèvements populaires historiques en France et en Indonésie. L’artiste rend ainsi hommage à la capacité des peuples, quelle que soit leur culture, à se révolter contre les injustices.
Plusieurs œuvres évoquent le passé féodal et colonial. Arrivés à Java à la fin du XVIe siècle, les Néerlandais créent la Compagnie des Indes orientales et exploitent les ressources pendant 300 ans. Y font référence les figurines de paysans et de soldats que l’on peut actionner tel le théâtre d’ombres indonésien, dans l’œuvre « Ethical Allegory » de Maharani Mancanagara.
Ou encore dans « High Tea », de Mella Jaarsma, qui, à travers des théières peintes dans le style Mooi Indië (Belles Indes), typique de l’époque coloniale, nous rappelle que le thé comme les épices et autres richesses naturelles étaient réservées à l’exportation, les populations locales ne pouvant consommer que les produits impropres au commerce.
Ou encore dans « High Tea », de Mella Jaarsma, qui, à travers des théières peintes dans le style Mooi Indië (Belles Indes), typique de l’époque coloniale, nous rappelle que le thé comme les épices et autres richesses naturelles étaient réservées à l’exportation, les populations locales ne pouvant consommer que les produits impropres au commerce.
Nature et spiritualité
La dernière partie de l’exposition est consacrée au lien entre Nature et spiritualité. L’œuvre de Agung « Agugn » Prabowo, réalisée in situ, est plutôt psychédélique. Pour évoquer le cycle vital, dans une pièce saturée de bleu et de rouge un serpent circule entre trois tableaux, et d’un corps noir gisant au sol pousse en son cœur un ficus elastica, un arbre très courant en Indonésie.
L’installation de Muhammad Zico Albaiquni relate une histoire qu’il a observée quand il était en résidence d’artiste dans un village menacé d’expropriation immobilière. Pour sauver une source qu’ils considèrent comme sacrée, les villageois ont eu l’idée d’implanter un cimetière empêchant ainsi le développement immobilier. Mais cela n’a pas suffi.
L’installation de Muhammad Zico Albaiquni relate une histoire qu’il a observée quand il était en résidence d’artiste dans un village menacé d’expropriation immobilière. Pour sauver une source qu’ils considèrent comme sacrée, les villageois ont eu l’idée d’implanter un cimetière empêchant ainsi le développement immobilier. Mais cela n’a pas suffi.
Les villageois ont ensuite établi une salle de prière. La spéculation immobilière devenant trop pressante, les villageois envisagent de construire une mosquée « en dur »… Avec ses tableaux pétaradant de couleurs vives évoquant la Nature et les bouts de bois qui jonchent le sol surmonté d’une coupole miniature évoquant une mosquée en chantier, l’artiste rend hommage à la résistance des villageois.
Résistance. C’est ce qui transparait dans la série photographique de Mella Jaarsma, où les personnages, situés au milieu de rizières plus ou moins desséchées, portent sur leurs épaules des plantes médicinales et des végétaux absorbeurs de gaz à effet de serre. Mais face à la crise climatique, les individus ne sauraient porter seuls le poids du désastre écologique, semble dire l’artiste.
Résistance. C’est ce qui transparait dans la série photographique de Mella Jaarsma, où les personnages, situés au milieu de rizières plus ou moins desséchées, portent sur leurs épaules des plantes médicinales et des végétaux absorbeurs de gaz à effet de serre. Mais face à la crise climatique, les individus ne sauraient porter seuls le poids du désastre écologique, semble dire l’artiste.
Islam, démocratie et indépendance nationale
Pour découvrir l’Indonésie, plusieurs évènements sont programmés : lectures musicales autour d’épopée soufie de Java ou de poèmes, concerts de gamelan et de darbuka, théâtre d’ombres, ciné-débats…
Pour la première fois à Paris se déroulera, samedi 24 novembre, le Grebeg Maulud. Il s’agit d’une procession transportant des fruits et légumes qu’organisent certains villages javanais à l’occasion du Mawlid, qui commémore la naissance du Prophète. Deux conférences (le 18 octobre et le 14 février) sont consacrées à deux figures indonésiennes. Le prince Diponegoro (1785-1855), considéré comme un héros de la liberté, s’était insurgé contre les colonisateurs néerlandais. Mohammad Natsir (1908-1993), Premier ministre dans les années 1950, a voulu associer les principes de l’islam à la démocratie et à l’indépendance nationale.
Pour la première fois à Paris se déroulera, samedi 24 novembre, le Grebeg Maulud. Il s’agit d’une procession transportant des fruits et légumes qu’organisent certains villages javanais à l’occasion du Mawlid, qui commémore la naissance du Prophète. Deux conférences (le 18 octobre et le 14 février) sont consacrées à deux figures indonésiennes. Le prince Diponegoro (1785-1855), considéré comme un héros de la liberté, s’était insurgé contre les colonisateurs néerlandais. Mohammad Natsir (1908-1993), Premier ministre dans les années 1950, a voulu associer les principes de l’islam à la démocratie et à l’indépendance nationale.
Le 15 novembre, la conférence sur l’islam en Indonésie traitera du Pancasila, la philosophie d’État édictée par Sukarno lors de la fondation de la République en 1949. Affirmant le principe de croyance en un Dieu unique, le Pancasila prône également le respect du pluralisme religieux en reconnaissant à parts égales six religions. Ce qui n’est pas sans tensions avec les tentatives de mainmise des groupes radicaux se revendiquant de l’islam depuis ces 30 dernières années.
Un programme foisonnant qu’offre l’Institut des cultures d’islam pour mieux faire connaître le pays qui compte le plus de musulmans au monde : l’Indonésie.
Un programme foisonnant qu’offre l’Institut des cultures d’islam pour mieux faire connaître le pays qui compte le plus de musulmans au monde : l’Indonésie.