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Points de vue

Révolutions arabes : regards distanciés sur le rôle ambigu du numérique

Rédigé par Irénée Régnauld et Yaël Benayoun | Mercredi 13 Décembre 2017 à 12:05

           


Sami Ben Gharbia (à g.), cyberactiviste, fondateur du blog d’opposition tunisien participatif Nawaat et directeur de plaidoyer à Global Voices, et Yves Gonzalez-Quijano (à dr.), maître de conférence en littérature arabe à l’Université de Lyon II et chercheur à l’Institut français du Proche-Orient, sont les deux intervenants à la conférence sur le cyberactivisme du monde arabe, organisée à l'initiative du Mouton Numérique, samedi 16 décembre, à l'Institut du monde arabe.
Sami Ben Gharbia (à g.), cyberactiviste, fondateur du blog d’opposition tunisien participatif Nawaat et directeur de plaidoyer à Global Voices, et Yves Gonzalez-Quijano (à dr.), maître de conférence en littérature arabe à l’Université de Lyon II et chercheur à l’Institut français du Proche-Orient, sont les deux intervenants à la conférence sur le cyberactivisme du monde arabe, organisée à l'initiative du Mouton Numérique, samedi 16 décembre, à l'Institut du monde arabe.
Le Mouton Numérique est une jeune association qui interroge notre rapport aux technologies en organisant des évènements publics autour de sujets de société touchés par la « transition numérique ».

Après tout un cycle de débats portant sur des thématiques variées (liberté, éducation, transport ou encore imaginaire et écologie), l’association a décidé de décentrer son regard en clôturant cette saison avec un sujet qui a souvent été malmené : le rôle ambigu des réseaux sociaux – et plus globalement des technologies numériques – lors des Printemps arabes.

La rencontre « Les révolutions arabes, une révolution 2.0 ? » aura lieu ce samedi 16 décembre, à l’Institut du monde arabe, en présence du cyberactiviste tunisien Sami Ben Gharbia et du chercheur Yves Gonzalez-Quijano.

De la révolte sociale...

Si l’émulation était encore palpable il y a quelques années où de nombreuses rencontres étaient organisées pour mettre en lumière la chaîne d’évènements complexes qui ont fait naître les Printemps arabes, il est temps de rouvrir le dossier avec quelques années de recul.

Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, 26 ans, s’immole par le feu pour protester contre la confiscation de son outil de travail. La scène a été retransmise et diffusée à grande échelle sur les réseaux sociaux. Il devient un symbole, certains y verront même l’élément déclencheur des évènements en Tunisie. Quelques jours plus tard, la police ouvre le feu sur la foule à Bouziane, Ben Ali tiendra encore quelques semaines devant la pression, abandonnant le pouvoir après 24 ans de règne.

Le cas tunisien ne doit pas occulter la variété et la complexité des « révolutions » ayant eu lieu dans la plupart des pays du Moyen- et du Proche-Orient, dans différents contextes. Cependant, il a beaucoup été question d’un élément commun à ces sursauts populaires : une utilisation poussée des nouvelles technologies (télécommunications, Internet et, bien sûr, réseaux sociaux) pour soutenir la parole publique et organiser la contestation.

... à sa manifestation numérique

Pour autant, il semblerait que le rôle pris par les réseaux sociaux (Twitter et Facebook au premier plan) ait parfois été exagéré, voire romantisé. À tel point qu’il a même été question de rebaptiser la période « révolution Facebook » ou encore « révolution 2.0 ».

Comme si les outils occidentaux allaient d’eux-mêmes miraculeusement provoquer le « réveil arabe » ou un éventuel sursaut démocratique. Bien sûr, il ne s’agit pas de nier l’importance des plateformes numériques lors des évènements. Peut-être faut-il juste rappeler que la révolte sociale les précédaient, et de loin.

En septembre 2010, Sami Ben Gharbia fut l’un des premiers à évoquer ces vérités qui dérangent avec son texte alors publié en anglais : « Cyberactivistes arabes face à la liberté sur Internet made in USA ». Il pointait les ambiguïtés des initiatives américaines susceptibles de mettre en péril les actions militantes locales. Si les intérêts coïncident parfois, pas question pour lui d’occulter les agendas politiques et géostratégiques qui couvaient derrière la bonne volonté des États occidentaux ou des sociétés du numérique et les financements qui allaient avec.

De son côté, Yves Gonzalez-Quijano rappelle dans son ouvrage Arabités numériques. Le printemps du Web arabe que les réseaux sociaux ont aussi été les armes du pouvoir pour cibler la répression et menacer l’anonymat des militants. Rien n’est simple.

Sous les fantasmes d’une technologie émancipatrice

Le sujet est complexe et nous ne faisons ici qu’en dessiner quelques maigres contours pour lancer la réflexion, sept ans plus tard. Les années qui ont suivi nous ont d’ailleurs montré qu’il est de bon ton de questionner l’image d’une technologie libératrice et émancipatrice...

Daesh n’est-il pas présent sur le Web et les réseaux sociaux ?

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Yaël Benayoun, chercheure en théorie politique, et Irénée Regnauld, consultant et blogueur de Mais où va le Web ? Panser le numérique, sont cofondateurs de l'association Le Mouton Numérique.





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