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Chroniques du Ramadan

Comment je lis le Coran pendant le Ramadan

Chroniques du Ramadan

Rédigé par | Lundi 18 Mars 2024 à 17:00

           


Comment je lis le Coran pendant le Ramadan
L'usage est de lire le Coran pendant le mois du Ramadan de couverture à couverture. Une tradition fondée et suivie au point qu'on ne l'interroge plus. On la commence à l'école coranique où la question n'aurait pas de sens. La question ne se pose pas non plus dans les cercles d'étude ou les cercles spirituels.

Tous ces lieux dédiés à l'islam ont des intérêts pratiques, sociaux, pédagogiques et même spirituels à saisir l'occasion pour faire l'exercice de lecture de la totalité du Coran durant le Ramadan qui est, il faut le préciser, le mois où commence la Révélation du Coran ; un cadeau de Dieu à l'humanité.

Je n'ai pas interrogé cet exercice tant que j'étais à l'école coranique. J'ai profité de l'exercice durant les années où j'organise ou je participe à des cercles d'études. Mais une fois hors de ces circuits, j'ai continué l'exercice durant des années jusqu'à ce qu'il m'interroge.

Qu'une tradition soit obligatoire ou recommandée, on s'y glisse avec l'intention d'agir dans la foi en Dieu en suivant l'exemple du Prophète

Une tradition islamique répond généralement à un besoin. Elle a une raison et une histoire qui ne sont pas fortuites. Même si on ne l'apprend pas systématiquement, on finit toujours par connaître ce qui se motive une tradition en islam. C'est ainsi parce que la vie du Prophète est étudiée et enseignée dans le détail. Qu'une tradition soit obligatoire ou recommandée, on s'y glisse avec l'intention d'agir dans la foi en Dieu en suivant l'exemple du Prophète Muhammad.

Le Prophète de l'islam a récité tout le Coran pendant le Ramadan. Il n'en fait pas une obligation pour ses fidèles, mais il le recommande quand même. Tout musulman est habitué à ce type de nuance qui est courante en islam. Mais l'amour du Prophète s'ajoute à l'intérêt du Coran pour établir une forme d'obligation qui n'en est pas. C'est ainsi que la tradition bascule pour devenir du folklore.

Le Prophète de l'islam a plus de 60 ans. Une vie de lutte, de combats, de guerres continuelles depuis qu'il a quitté La Mecque pour Médine. Il connaît la valeur du Coran. Il prend des précautions pour combler sa baisse de mémoire. Il récite deux fois la totalité du Coran au cours du Ramadan.

Préserver le Coran, le diffuser et l'incarner font des soucis récurrents du Prophète. Mais bien avant d'être un vieil homme, il est encore à La Mecque quand le Coran le rassure, verset 9, sourate 15 : « C'est Nous qui avons fait descendre le Coran, c'est Nous qui en sommes gardien. » Dieu tient Ses promesses !

Dans sa récitation intensive du Coran au Ramadan, le Prophète fait un training, une des dynamiques individuelles qu'on lui connaît. Son besoin est personnel car il sait que Dieu protège déjà le Coran. Le Prophète connaît sa communauté, il avait à cœur d'éviter la confusion entre recommandations et obligations. Au Ramadan, il fait des veillées nocturnes. Une foule de fidèles se joint à lui. Mais après deux ou trois soirées, il arrête. Mais la tradition de prière de tarawih venait de naître !

Le Prophète ne voulait pas que le tarawih soit perçu comme une obligation religieuse. Ramené à la tradition du Coran durant le mois de Ramadan, la recommandation est à la modération. Quel que soit l'investissement, il est déconseillé de lire le Coran en entier en moins de trois jours. Ramadan ou pas, le délai d'une lecture complète est fixé au minimum traditionnel d'un mois.

Une nuance à faire entre « fidélité au Prophète » et « singerie du Prophète »

On peut alors faire les calculs à la louche. Pour 6 236 versets, la moyenne est de 208 versets par jour en sachant que ces versets sont de tailles variables. Avec 114 sourates, on trouve le rythme de quatre sourates par jour dans un déséquilibre abyssal puisque les sourates sont de tailles différentes.

En pratique, la tradition subdivise le Coran en trente partitions appelées juz. Lire un juz par jour au mois de Ramadan est le rythme que j'ai connu à l'école coranique. Mais le but étant la mémorisation, l'on doit d'abord mémoriser le juz amma, la dernière de la liste avant d'apprendre l'alphabet et pouvoir lire le Texte. D'où une portée pédagogique au juz qui dépasse son usage au Ramadan.

D'autre subdivision existe. La moitié du juz, le soixantième du Coran est le hizb. En lisant un hizb dans sa journée et un hizb la nuit l'on « descend le Coran » selon l'expression consacrée. On raffine aussi le hizb en quatre subdivisions appelées rubayates (rubu au singulier).

Durant le Ramadan, les repères que sont le juz, le hizb ou le rubu servent de repère pour organiser sa lecture dans le but d'arriver à la couverture finale. La préoccupation devient alors de finir son juz à temps, au sens de « finir sa lecture ». Est-ce bien raisonnable en dehors des cercles d'études ?

Dans cette ligne, certaines congrégations lisent le Coran entier chaque soir du Ramadan. Supposons une soixantaine de personnes, chacun reçoit un hizb, environ une dizaine de pages. Chacun s'élance au top et personne n'écoute personne dans un boucan d'enfer. Est-ce bien raisonnable ?

Les réponses divergent. « Le Prophète l'a fait, on le fait » est un niveau de réponse qui oublie qu'il y a une nuance entre « fidélité au Prophète » et « singerie du Prophète ». Car le Prophète se rend à son pèlerinage à dos de chameau et personne ne pense à l'imiter ; on prend plutôt l'avion. Nombreux sont les musulmans qui lisent l'arabe sans parler arabe. Pour ceux-là, cet effort de lecture a un intérêt certain pour garder contact avec la langue du Coran et la fluidité dans sa lecture.

Quand la lecture du Ramadan devient un bel exercice intellectuel porté par un élan spirituel

« Lire le Coran » n'est pas l'énoncé de son texte en articulant des mots. Le Coran est guidance et son lecteur reçoit un message. Cette réflexion me fit basculer à la lecture du Coran en français durant le Ramadan. Je lisais un juz en arabe sans bien comprendre, puis un juz en français, et ainsi de suite. Puis quand arrivent les enfants, que les cours d'arabe sont loin, ce fut le Coran en français. Arrive un Ramadan où je suis en plein déménagement. Cette lecture m'ennuie. Je choisis de consacrer mon peu de temps à une seule sourate. J'en tire un bien fou et mon rapport au Coran bascula de nouveau.

Aujourd'hui, j'oublie juz et hizb pour méditer le Coran au lieu de le lire. Chaque séance de lecture à un verset qui m'interpelle de manière significative. Ça peut arriver après cinq minutes ou après une heure, voire plus. La question soulevée devient mon sujet de réflexion jusqu'à ma prochaine séance.

Durant le confinement, l'expérience fut gratifiante. Mais l'an dernier, deux mois après le Ramadan, je n'avais toujours pas fini ma « lecture de Coran ». Mais ce fut utile car chaque question soulevée m'a permis de creuser et de préciser mes idées sur des points que je savais vaguement jusqu'alors.

Lire le Coran pendant le Ramadan peut devenir un bel exercice intellectuel porté par un élan spirituel. C'est ainsi que je le vois désormais. Le Coran a beau être spécial pour le musulman, le fait matériel est qu'il s'agit d'une liasse de feuilles imprimées à lire. Et en matière de lecture, nos capacités varient.

Ça fait des années que je rêve d'un hebdomadaire pour les mosquées de France. « Les musulmans ne lisent pas » est une phrase que j'ai entendue mille fois. Mais je n'y crois pas. Les musulmans lisent le Coran, ils peuvent lire un journal s'il est fait pour eux ! Je continue donc d'y croire !

J'y crois parce que Dieu connaît tous les mots. Et de tous les mots de la langue arabe, le premier qui fut révélé à Rassul l'incite à la lecture. Et autour du Xe siècle, quand le calife magnifiait le livre, les musulmans lisaient. Des traditions que j'ai trouvées vivantes en Tunisie comme en Turquie ! Que Dieu accepte notre jeûne. Qu'il nous facilite l'apprentissage du Coran et nous guide vers ce qui s'écrit de mieux pour chacun de nous. Rendez-vous dans nos dou’as à l'heure de l'iftar.

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Diplômé d'histoire et anthropologie, Amara Bamba est enseignant de mathématiques. Passionné de... En savoir plus sur cet auteur


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