Jacques Chirac a tranché ! Les musulmanes devront ôter leur hijab. Autrement, les jeunes musulmanes ne seront plus acceptées à l’école de la République. Ce mercredi 17 décembre 2003, le chef de l’Etat a décidé qu’une loi soit édictée pour venir à bout d’un débat vieux de deux siècles. Une loi qui engage désormais la France dans une laïcité restrictive. Les pères fondateurs de la laïcité doivent se retourner dans leurs tombes. Ils avaient choisi une laïcité ouverte et tolérante. Ils avaient fait ce qu’il fallait pour éviter la stigmatisation de la religion, dans le contexte de l’époque, alors marquée par un anticléricalisme des plus violents. Mais à l’époque l’Islam n’était pas le problème. Le problème était le Catholicisme. Seulement, la France du président Chirac est confronté à l’Islam. Il a donc fait un autre choix. Il a choisi une laïcité qui exclut. Notre pays évolue ainsi à sens inverse de l’Union Européenne dont il est pourtant membre. Car l’Europe, dans son ensemble, travaille actuellement à mettre en place des textes et des outils pour défendre les musulmans et leurs pratiques en prenant en compte leur caractère de minorité à protéger à l’image d’autres minorités présentes en Europe.
Qu’est ce qui a bien pu déterminer le président de la République à faire ce choix ? Peut-être avait-il peur qu’un simple morceau d’étoffe, un artifice vestimentaire, soit capable de faire chavirer la République française entière ? Ou peut-être bien que le président s'est laissé influencer par une opinion publique qui ne cesse de se crisper à mesure qu’elle découvre l’évolution démographique et des citoyens français de confession musulmane ? Ce qui serait, il faut le reconnaître, un clin d’œil politiquement adroit à l’endroit des 18 % de l’électorat national qui lui faisaient défaut au 21 avril 2002.
Quelles que soient ses raisons et ses motivations, M Chirac sait que la promulgation d’une loi anti-hijab ne sera pas sans conséquences. L’observatoire de la laïcité qu’il se propose de mettre en place n’y changera rien. Outre les difficultés d’application d’une telle loi, elle constituera un facteur nouveau de stigmatisation des musulmanes et des musulmans en France. Une carabine judiciaire armée, placée entre les mains des « intégristes de la laïcité » et pointée sur les musulmans. Parce que, nous devons le reconnaître, la France a du mal à assumer la part musulmane de son identité.
Le discours présidentiel, qui mentionne la fantasque « main de Fatma » comme un signe d’appartenance à l’Islam nous traduit l’étendue de l’ignorance de la religion musulmane dans notre pays. Aucun imam, dans aucune mosquée, dans aucun de ces groupes de pensée, le plus rétrograde soit-il, ne considère cet instrument décoratif comme un signe d’appartenance à l’Islam. Certes M Chirac n’est pas un Imam, mais quand même… !
Par ailleurs, la farouche défense de la laïcité par laquelle le président a choisi d’ouvrir son discours avant d’annoncer sa volonté d’interdire le hijab, nous montre combien il pense intimement que l’Islam n’est rien qu’une « menace pour la laïcité ». Nous y voyons un déficit de compréhension de l’Islam, conséquence de la défaite pédagogique de notre communauté à expliquer nos convictions à nos concitoyens. C’est un défi à relever, un défi de communication claire et sincère pour évacuer les peurs irrationnelles et déraisonnables qui motivent ce choix de M Chirac. C’est ce défi qui nous motive aussi à SaphirNet.info.
Le Conseil Français du Culte Musulman est aujourd’hui face au même défi. Interlocuteur désigné de l’Etat, il a une part de maître à jouer dans cette épreuve. Son rôle ne saurait se résumer à constituer un tampon pour canaliser l’onde de colère qui traverse actuellement les musulmanes et les musulmans de France. Il doit prendre des initiatives concrètes et efficaces.
Le monde associatif musulman n’échappe pas non plus à ce combat pédagogique que certains qualifient de « nouveau Jihad ». Car, le « Jihad » à savoir « l’effort dans le sens de la foi » se pose à nous désormais au travers d’une démarche pédagogique d’information et d’explication de l’Islam à nos concitoyens. C’est une démarche sans laquelle la confrontation avec les institutions et le repli communautaire sont des menaces que nous redoutons autant que nous réprouvons l’islamophobie institutionnelle actuellement en cours.
Le CFCM risque bientôt de se trouver entre le marteau de la demande de la communauté et l’enclume de la loi en cours. La « sagesse » qu’il recommande n’a jamais manqué aux musulmans de France. Mais l’appel à la sagesse devrait s’adresser plutôt aux chefs d’entreprises, aux chefs d’établissements scolaires et aux français encore libres des peurs ancestrales du fait religieux en France pour reconnaître l’idée que l’Islam, comme le christianisme et le judaïsme, ne saurait se gérer à coups de décisions politiques circonstancielles. A moins que l’intention soit de diviser la nation pour mieux régner. Car, après ce choix de M Chirac, le sentiment national de nombreuses musulmanes et de nombreux musulmans de France est largement froissé et profondément blessé.