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Points de vue

Les mots piégés du débat républicain : à l’assaut du mot « laïcité »

Rédigé par Pierre Henry | Mercredi 26 Janvier 2022 à 11:30

           

Les mots qui fâchent, les mots du vocabulaire politique, souvent mal connus, employés de manière inappropriée, instrumentalisés sont nombreux. Ils se répètent et se buzzent en réseaux, confortant postures et partis pris. Ils font débat et nous divisent. Ce sont les mots piégés du débat républicain. Ces mots, nous allons les déminer, les expliquer ou simplement vous permettre de mieux les connaître. Le mot du jour ici décrypté : la laïcité.



© Enquête
© Enquête
Il y a quelques mois, à la fin d'une conférence donnée à l'Université de Lille, une jeune femme portant un foulard pour cacher ses cheveux m'interpelle en ces termes : « Je ne comprends pas. Vous vous dites humanistes et vous faites l'éloge de la laïcité ? Je suis déçue. Je ne pensais pas que vous étiez contre les musulmans. » J'avoue avoir été stupéfait d'autant d'incompréhension et de méprise à un tel niveau d'études. Je lui ai donc expliqué qu'être laïque, ce n'est pas être contre les religions, qu'elles soient musulmanes, juives, chrétiennes ou bouddhistes.

Laïcité est un mot qui devient courant en France à partir de la fin du 19e siècle, mais son origine est plus lointaine. Il vient de « laïque », du latin lacus qui signifie « commun ordinaire », mot issu du laicos grec, qui veut dire « peuple », par opposition à clericos, « clerc », l'homme d'Eglise.

En gros le laïc, grec ou latin, c'est l'homme ordinaire qui n'appartient pas à la sphère religieuse. Prétendre donc, parce que je suis laïque, parce que la France est une République laïque, que nous serions, elle et moi, contre les religions, ça ne tient pas. La laïcité, à l'origine du mot, n'est pas une opposition en référence aux religions, mais aux clercs, au clergé, à tous les savants de la foi ou prétendus comme tels, à ceux qui veulent imposer leur vision du monde, de la morale et de la société, aux laïcs, au peuple.

La laïcité se décline en trois principes, ceux de neutralité de l'État, de liberté religieuse et de respect du pluralisme. Soyons clairs : la neutralité de l'État, qui impose à ses fonctionnaires de ne pas laisser paraître de manière ostensible leurs convictions ne signifie pas l'effacement des religions dans l'espace public et la société. C'est la garantie de l'égalité de traitement, de la liberté absolue de conscience, donc de pouvoir la manifester dans l'espace public sous la seule réserve de l'ordre public. Par exemple, prier collectivement dans la rue pose problème mais porter un signe distinctif n'en pose aucun.

La laïcité, c'est la liberté de croire ou de ne pas croire, de changer de religion, de donner à nos enfants une école où ils apprennent à penser par eux-mêmes. La volonté de garantir la liberté de religion constitue l'un des fondements du principe de laïcité. Être laïque, ce n'est donc pas être contre les religions, c'est être pour la liberté de choix et le respect de la religion de chacun. Nul ne peut être obligé, comme nul ne peut être empêché de croire. Et c'est heureux.

Après être revenu sur l'origine du mot « laïcité » et sa balade dans l'actualité, un spécialiste nous aide à y voir encore plus clair. Ici Didier Leschi.

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Pierre Henry est le président de l’association France Fraternités, à l’initiative de la série « Les mots piégés du débat républicain », disponible également en podcast sur Beur FM.

Voir aussi la vidéo de La Casa del Hikma : La laïcité, un outil contre les religions en France ?

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