Lire la première partie de la contribution : Penser l'islam et la République : l'ijtihad au cœur
La régression que l’on constate actuellement dans le monde arabo-musulman traverse également les communautés musulmanes d’Occident. Ces régressions sont dues à l’inégalité qui existe entre les hommes et les femmes et à l’absence d’une démocratie réelle à tous les niveaux à cause de l’absence d’un ijtihad éclairé et moderne. De nombreux livres datant du XIXe siècle dénoncent ces inégalités et appellent les musulmans à rectifier le tir pour bénéficier du progrès de l’Occident car c’est ce dernier qui a soulevé le flambeau du progrès durant quatre siècles par la force, le savoir et la technique. Cette force a sidéré, dans le passé, le monde musulman qui n’a pas pu réussir sa Nahda, « essor et renaissance ».
Le cheikh Jabarti, né au Caire en 1745, a passé toute sa vie à Al-Azhar où son père Hassan avait enseigné l’astronomie. Auteur d’un ouvrage historique considérable, il a été choqué par l’expédition militaire en Égypte menée par le général Bonaparte. Cette conquête a dévoilé la faiblesse et la vulnérabilité des Ottomans et des Mamelouks. Le cheikh exprime dans ses chroniques sa consternation de voir les Egyptiennes adopter les mœurs françaises. Nous pouvons facilement deviner à travers ses chroniques la conception de cet érudit quant à la place de la femme dans la société. Le déclassement de la femme entraîne forcement des conséquences graves quant à l’éducation des générations et entrave, à tous les niveaux, la prospérité de la société.
La régression que l’on constate actuellement dans le monde arabo-musulman traverse également les communautés musulmanes d’Occident. Ces régressions sont dues à l’inégalité qui existe entre les hommes et les femmes et à l’absence d’une démocratie réelle à tous les niveaux à cause de l’absence d’un ijtihad éclairé et moderne. De nombreux livres datant du XIXe siècle dénoncent ces inégalités et appellent les musulmans à rectifier le tir pour bénéficier du progrès de l’Occident car c’est ce dernier qui a soulevé le flambeau du progrès durant quatre siècles par la force, le savoir et la technique. Cette force a sidéré, dans le passé, le monde musulman qui n’a pas pu réussir sa Nahda, « essor et renaissance ».
Le cheikh Jabarti, né au Caire en 1745, a passé toute sa vie à Al-Azhar où son père Hassan avait enseigné l’astronomie. Auteur d’un ouvrage historique considérable, il a été choqué par l’expédition militaire en Égypte menée par le général Bonaparte. Cette conquête a dévoilé la faiblesse et la vulnérabilité des Ottomans et des Mamelouks. Le cheikh exprime dans ses chroniques sa consternation de voir les Egyptiennes adopter les mœurs françaises. Nous pouvons facilement deviner à travers ses chroniques la conception de cet érudit quant à la place de la femme dans la société. Le déclassement de la femme entraîne forcement des conséquences graves quant à l’éducation des générations et entrave, à tous les niveaux, la prospérité de la société.
Donner pleinement la place et les droits aux femmes
Chakib Arsalan, druze libanais, fervent représentant du panarabisme et du panislamisme, dans son livre datant des années 1930 intitulé Pourquoi les musulmans ont-ils pris du retard et pourquoi les autres ont-ils pris de l’avance ?, plaide pour l’adoption des sciences occidentales et explique qu’en ne donnant pas la place qu’elle mérite à la femme et en ne lui permettant pas d’étudier et d’être prospère au même titre que les hommes, il sera porté atteinte à la prospérité de la communauté musulmane dans son ensemble. C’est aussi ce qu’en disait le réformateur égyptien Rifa Al Tahtawi qui, lors d’un voyage en France, a exposé ses observations sur la situation de la femme dans son livre L’Émancipation de la femme musulmane.
Aussi, dans L’Or de Paris (1834), Al-Tahtawi informe quant à la religion des Français : « C’est que la plupart des Français ne relèvent du christianisme que par le nom ; ils n’embrassent de leur religion ni la foi ni le zèle si tu leur cites la religion de l’islam en l’opposant à d’autres religions. Ils les louent toutes, dans le sens qu’elles ordonnent de faire le bien et défendent de commettre le mal ; si tu la leur cites en l’opposant aux sciences naturelles, ils te disent qu’ils ne croient rien de ce qui est écrit dans les livres célestes, ceux-ci étant hors de l’ordre des choses naturelles. En somme, dans le pays des Français, il est permis de pratiquer toutes les religions. On n’empêche pas un musulman de construire une mosquée, ni un juif de bâtir une synagogue. »
Aussi, dans L’Or de Paris (1834), Al-Tahtawi informe quant à la religion des Français : « C’est que la plupart des Français ne relèvent du christianisme que par le nom ; ils n’embrassent de leur religion ni la foi ni le zèle si tu leur cites la religion de l’islam en l’opposant à d’autres religions. Ils les louent toutes, dans le sens qu’elles ordonnent de faire le bien et défendent de commettre le mal ; si tu la leur cites en l’opposant aux sciences naturelles, ils te disent qu’ils ne croient rien de ce qui est écrit dans les livres célestes, ceux-ci étant hors de l’ordre des choses naturelles. En somme, dans le pays des Français, il est permis de pratiquer toutes les religions. On n’empêche pas un musulman de construire une mosquée, ni un juif de bâtir une synagogue. »
L’islam n’impose ni califat ni aucun régime théocratique
La deuxième question qui ne cesse d’être posée avec à la fois par les musulmans et les non musulmans concerne la laïcité. C’est un principe qui interroge les musulmans depuis la chute de l’empire ottoman il y a presque un siècle. L’effondrement du califat ottoman et la proclamation de la République turque laïque par Mustapha Kemal Atatürk ont créé un choc dans le monde musulman.
L’effondrement de l’empire ottoman ou du califat a poussé l’érudit Ali Abdel Rezek à écrire en 1926 un livre intitulé L’islam et les fondements du pouvoir (traduit et préfacé par Abdou Filali-Ansary, La Découverte, Paris, 1994) pour affirmer que, finalement, la chute de l’Empire ottoman ne signifie en aucun cas un manquement religieux car le califat n’est pas une nécessité religieuse et ne fait point partie des piliers ni des règles de la religion islamique. L’imam s’est appuyé dans son ouvrage sur des arguments théologiques et rationnels pour rejeter le caractère obligatoire du califat. L’islam n’impose aucun régime politique.
L’effondrement de l’empire ottoman ou du califat a poussé l’érudit Ali Abdel Rezek à écrire en 1926 un livre intitulé L’islam et les fondements du pouvoir (traduit et préfacé par Abdou Filali-Ansary, La Découverte, Paris, 1994) pour affirmer que, finalement, la chute de l’Empire ottoman ne signifie en aucun cas un manquement religieux car le califat n’est pas une nécessité religieuse et ne fait point partie des piliers ni des règles de la religion islamique. L’imam s’est appuyé dans son ouvrage sur des arguments théologiques et rationnels pour rejeter le caractère obligatoire du califat. L’islam n’impose aucun régime politique.
La laïcité, un principe juridique compatible avec l’islam
Par conséquent, la détermination du régime politique est laissée au choix des humains. Cependant, l’islam exige, comme d’autres religions, la justice, la bienfaisance et l’égalité… Le cheikh a été démis de ses fonctions et boycotté par les cercles des oulémas d’Al Azhar parce qu’il considérait que la démocratie et la constitution ne sont pas en contradiction avec l’islam. Aujourd’hui, sans entrer dans le détail de la question des légitimités, on peut considérer que la diversité des régimes politiques dans le monde musulman est une preuve de la non-immixtion de l’islam dans la détermination du régime politique de l’État.
Pendant des décennies, les musulmans ont largement partagé une perception négative de la laïcité. En effet, ils pensaient qu’elle induisait l’exclusion ou la négation de la religion. Aujourd’hui, la laïcité est désormais plutôt perçue comme un principe juridique protégeant la liberté de conscience et la pratique religieuse. Elle garantit le vivre ensemble au-delà des convictions de chacun et surtout dans la société dite plurielle ou pluraliste. Nous vivons aujourd’hui dans une société paisible et tolérante basée sur une citoyenneté respectueuse des règles de l’État de droit. C’est la nature propre de la République française qui prône la devise républicaine : Liberté, Egalité, Fraternité.
Le Prophète n’a pas laissé de consignes ou d’instructions pour instaurer un régime politique quelconque. C’est une affaire que l’on doit traiter en dehors du registre religieux. Cela dépend de l’expérience de l’humanité dans la gestion de la cité. Il a reçu en la matière un ordre divin : « C’est par une miséricorde de Dieu que tu as été doux à leur égard. Si tu avais été rude, dur de cœur, ils se seraient enfuis de toi. Pardonne-leur donc, demande pardon pour eux, et consulte-les à propos des affaires. Puis, quand tu as décidé, place ta confiance en Dieu. Dieu aime ceux qui font confiance. » (Coran, S3, V159) En déclarant « je ne suis qu’un être humain comme vous » (S18, V110), il ne se positionnait pas au-dessus des autres malgré son apostolat. Il a refusé d’être traité comme un roi ou un empereur. Une invocation prophétique que les musulmans ne cessent de lire dans leurs prières : « Seigneur, fais-moi vivre comme un pauvre, fais-moi mourir comme un modeste et place-moi avec les modestes le jour de la résurrection. » (Recueil Ibn Majah, hadith n°4126)
C’est une réponse claire et limpide donnée aux islamistes qui prônent, selon leur irréaliste vision, « l’islam est la solution ». L’islamisme conduit à une impasse politique et détruit tout espoir de construire un État progressiste et moderne, tout espoir de bâtir un État de droit et des institutions.
A l’époque du Prophète de l’islam, les tribus idolâtres de Médine se sont converties à l’islam ; les tribus juives, elles, ont préféré garder leur religion. La charte de Médine a été rédigée dont l’un des articles attire notre attention : « Les juifs et les musulmans constituent une seule communauté (oumma wâhida), aux juifs leur religion et aux musulmans la leur ». La notion de « communauté » est ici entendue au sens politique et non religieux. C’est une sorte de constitution. On est face, avec ce pacte, à un embryon de citoyenneté, ou plus clairement une sorte de cité « proto-laïque ». En réalité, cette information incite implicitement les musulmans de France à vivre pleinement leur citoyenneté en contribuant loyalement au bien de leur pays.
Voir aussi la vidéo de La Casa del Hikma : La oumma, une injonction à l'unité et à la solidarité exclusivement musulmanes ?
Des théologiens musulmans comme Al-Qarafi (1228-1285) font une distinction entre l’apostolat du Prophète et ses actions profanes. Ainsi, la gestion de la cité et l’action politique ou sociale ne sont pas fondées sur des raisons ou des arguments religieux. Le Prophète lui-même dit : « Vous êtes les plus compétents dans la gestion de vos affaires d’ici-bas. » (Recueil d’Ibn Majah, Hadith n°2019) Cependant, cela n’empêche pas le Prophète de l’islam d’insister sur la primauté des valeurs dans cette gestion. Ces valeurs sont la justice, la fraternité et la compassion.
Pendant des décennies, les musulmans ont largement partagé une perception négative de la laïcité. En effet, ils pensaient qu’elle induisait l’exclusion ou la négation de la religion. Aujourd’hui, la laïcité est désormais plutôt perçue comme un principe juridique protégeant la liberté de conscience et la pratique religieuse. Elle garantit le vivre ensemble au-delà des convictions de chacun et surtout dans la société dite plurielle ou pluraliste. Nous vivons aujourd’hui dans une société paisible et tolérante basée sur une citoyenneté respectueuse des règles de l’État de droit. C’est la nature propre de la République française qui prône la devise républicaine : Liberté, Egalité, Fraternité.
Le Prophète n’a pas laissé de consignes ou d’instructions pour instaurer un régime politique quelconque. C’est une affaire que l’on doit traiter en dehors du registre religieux. Cela dépend de l’expérience de l’humanité dans la gestion de la cité. Il a reçu en la matière un ordre divin : « C’est par une miséricorde de Dieu que tu as été doux à leur égard. Si tu avais été rude, dur de cœur, ils se seraient enfuis de toi. Pardonne-leur donc, demande pardon pour eux, et consulte-les à propos des affaires. Puis, quand tu as décidé, place ta confiance en Dieu. Dieu aime ceux qui font confiance. » (Coran, S3, V159) En déclarant « je ne suis qu’un être humain comme vous » (S18, V110), il ne se positionnait pas au-dessus des autres malgré son apostolat. Il a refusé d’être traité comme un roi ou un empereur. Une invocation prophétique que les musulmans ne cessent de lire dans leurs prières : « Seigneur, fais-moi vivre comme un pauvre, fais-moi mourir comme un modeste et place-moi avec les modestes le jour de la résurrection. » (Recueil Ibn Majah, hadith n°4126)
C’est une réponse claire et limpide donnée aux islamistes qui prônent, selon leur irréaliste vision, « l’islam est la solution ». L’islamisme conduit à une impasse politique et détruit tout espoir de construire un État progressiste et moderne, tout espoir de bâtir un État de droit et des institutions.
A l’époque du Prophète de l’islam, les tribus idolâtres de Médine se sont converties à l’islam ; les tribus juives, elles, ont préféré garder leur religion. La charte de Médine a été rédigée dont l’un des articles attire notre attention : « Les juifs et les musulmans constituent une seule communauté (oumma wâhida), aux juifs leur religion et aux musulmans la leur ». La notion de « communauté » est ici entendue au sens politique et non religieux. C’est une sorte de constitution. On est face, avec ce pacte, à un embryon de citoyenneté, ou plus clairement une sorte de cité « proto-laïque ». En réalité, cette information incite implicitement les musulmans de France à vivre pleinement leur citoyenneté en contribuant loyalement au bien de leur pays.
Voir aussi la vidéo de La Casa del Hikma : La oumma, une injonction à l'unité et à la solidarité exclusivement musulmanes ?
Des théologiens musulmans comme Al-Qarafi (1228-1285) font une distinction entre l’apostolat du Prophète et ses actions profanes. Ainsi, la gestion de la cité et l’action politique ou sociale ne sont pas fondées sur des raisons ou des arguments religieux. Le Prophète lui-même dit : « Vous êtes les plus compétents dans la gestion de vos affaires d’ici-bas. » (Recueil d’Ibn Majah, Hadith n°2019) Cependant, cela n’empêche pas le Prophète de l’islam d’insister sur la primauté des valeurs dans cette gestion. Ces valeurs sont la justice, la fraternité et la compassion.
D’un point de vue islamique, il n’y a donc pas d’incompatibilité entre l’islam et la République car la laïcité est, en réalité, protectrice des croyants. Ainsi, la loi du 9 décembre 1905 énonce dans son article premier que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ».
L’article 2 de la loi de 1905 dispose que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites aux dits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ».
L’islamisme politique détourne, sciemment, la religion pour s’accaparer le pouvoir. Une approche pédagogie est nécessaire pour expliquer concrètement au monde musulman le sens réel de la laïcité. Au Royaume du Maroc, le commandeur des croyants exerce seul à la fois le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Cette sécularisation est une sécurité constitutionnelle destinée à garantir la stabilité de la nation. La confusion entre les deux pouvoirs trouve son origine dans les écrits d’Ardachir (180-242). Ainsi, ce fondateur de l’empire sassanide, laisse à son héritier une épitre pour affirmer que le pouvoir et le culte ne doivent pas être dissociés. L’Empire sassanide a manifestement influencé les dynasties musulmanes dans l’exercice de pouvoir.
L’article 2 de la loi de 1905 dispose que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites aux dits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ».
L’islamisme politique détourne, sciemment, la religion pour s’accaparer le pouvoir. Une approche pédagogie est nécessaire pour expliquer concrètement au monde musulman le sens réel de la laïcité. Au Royaume du Maroc, le commandeur des croyants exerce seul à la fois le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Cette sécularisation est une sécurité constitutionnelle destinée à garantir la stabilité de la nation. La confusion entre les deux pouvoirs trouve son origine dans les écrits d’Ardachir (180-242). Ainsi, ce fondateur de l’empire sassanide, laisse à son héritier une épitre pour affirmer que le pouvoir et le culte ne doivent pas être dissociés. L’Empire sassanide a manifestement influencé les dynasties musulmanes dans l’exercice de pouvoir.
L’exercice de l’ijtihad, une nécessité vitale pour l’islam
Les textes fondateurs de l’islam appellent les musulmans à respecter autrui et à promouvoir la fraternité qui doit conditionner la pratique religieuse.
Le Coran (S109, V6) dit : « Vous avez votre croyance et j’ai la mienne. » Ce verset appelle à respecter la liberté de conscience dans toutes les sociétés et sans exception. Le binaire, halal ou haram, interdit ou autorisé, n’est qu’une partie de la religion et ce n’est pas la plus conséquente comparée à la valeur de la fraternité. Cette valeur prime sur les autres aspects culturels de la religion. Comment pratiquer la religion tout en préservant la fraternité humaine ? C’est la question que doit se poser le théologien musulman.
Le calife et le sage Ali ibn Abi Taleb (600-661) disait à Malik Al-Achtar le gouverneur d’Égypte (585-658), selon une lettre extraite de l’ouvrage Nahj al Balara (La voie de l’éloquence), compilé par Sharif Razi au Xe siècle à partir de textes attribués à l’imam Ali : « Respecte l’être humain, car s’il n’est pas ton frère dans la religion, il est ton frère dans l’humanité. »
A mon sens, l’islam est compatible avec le droit et la culture françaises mais à condition de composer avec les règles suivantes :
- Avoir l’intention de servir les musulmans et la communauté nationale pour réussir le vivre ensemble. Cet élément moral trouve son fondement dans la citation prophétique « les actes ne valent que selon les intentions » et aussi quand le Prophète dit « le meilleur des Hommes est celui qui est utile aux hommes ».
- Savoir que la difficulté engendre souvent la facilité. Ainsi, le croyant malade peut être dispensé de jeûne. Le croyant qui subit des contraintes au travail peut rassembler ses prières. Cela nous indique clairement que l’islam est souple et tolérant. Il ne s’agit pas d’un un bloc figé et monolithique.
- L’usage et la coutume ont leur place dans la pratique religieuse. Pour éviter l’anachronisme et le littéralisme, Le théologien doit lire le texte religieux à la lumière de son contexte culturel et historique. Il est indispensable de connaître les mentalités, les cultures et les langues, afin de distinguer entre le religieux et le culturel.
- Ne pas porter atteinte à la dignité d’autrui, aux biens des gens et à l’ordre public. Le préjudice et le mal doivent être rejetés.
- La maslaha, ou l’intérêt général, est une approche pragmatique recevable dans la pratique religieuse. Ainsi, l’intérêt général exige la préservation de la pluralité de la société et le respect de la laïcité pour garantir le vivre ensemble et la liberté de conscience.
Ces règles cherchent à protéger la vie, la liberté de conscience, la raison, la dignité humaine et la propriété privée.
L’imam Abu Hamid Al Ghazali (1058-1111) déclare : « Pour les êtres humains, la finalité supérieure de la religion se décline en cinq composantes : préserver leur religion, leur vie, leur raison, leur filiation "nasslahum", et leur propriété. Tout ce qui est de nature à préserver ces cinq finalités est un intérêt/bien (maslaha) ; tout ce qui concourt à faire manquer ces finalités est un préjudice. En effet, la préservation de ces cinq finalités entre dans la catégorie des indispensables. Ces dernières constituent le plus haut degré des intérêts. » (La quintessence, Ed. Al-Rissala, 1997) Qu’il me soit permis de dire qu’en réalité, la liberté de conscience et de pratique religieuse est prioritaire et constitue la pierre angulaire dans les libertés et les droits qu’on doit garantir à tous. Enfin, le grand imam tunisien Tahar Ben Achour (1879-1973) place la liberté avant toutes les finalités citées ci-dessus et l’érudit marocain Allal El Fassi (1920-1974) considère dans L’autocritique que la liberté et la justice sociale sont deux conditions nécessaires pour l’épanouissement de la communauté de foi musulmane.
Le théologien peut aussi établir un rapprochement entre les textes fondateurs et les dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) de 1948 ainsi que la Charte arabe des droits de l’Homme adoptée par la Ligue arabe en 2004. L’intérêt de cette démarche est de vérifier s’il y’a ou non une contradiction entre la foi islamique et les différentes déclarations des droits humains. Cet exercice, dans la partie qui suivra, permettra à la jeunesse musulmane de savoir que la religion ne rentre pas forcément en conflit avec nos valeurs universelles.
Lire la suite ici : Penser et repenser l’islam dans la République : la compatibilité entre le Coran et les déclarations des droits humains en dix points
*****
Mohammed El Mahdi Krabch est membre correspondant de l’Académie de Nîmes (société savante), imam, théologien et aumônier référent des hôpitaux de l'Hérault.
Penser l'islam et la République : l'ijtihad au cœur (1/4)
Le Coran (S109, V6) dit : « Vous avez votre croyance et j’ai la mienne. » Ce verset appelle à respecter la liberté de conscience dans toutes les sociétés et sans exception. Le binaire, halal ou haram, interdit ou autorisé, n’est qu’une partie de la religion et ce n’est pas la plus conséquente comparée à la valeur de la fraternité. Cette valeur prime sur les autres aspects culturels de la religion. Comment pratiquer la religion tout en préservant la fraternité humaine ? C’est la question que doit se poser le théologien musulman.
Le calife et le sage Ali ibn Abi Taleb (600-661) disait à Malik Al-Achtar le gouverneur d’Égypte (585-658), selon une lettre extraite de l’ouvrage Nahj al Balara (La voie de l’éloquence), compilé par Sharif Razi au Xe siècle à partir de textes attribués à l’imam Ali : « Respecte l’être humain, car s’il n’est pas ton frère dans la religion, il est ton frère dans l’humanité. »
A mon sens, l’islam est compatible avec le droit et la culture françaises mais à condition de composer avec les règles suivantes :
- Avoir l’intention de servir les musulmans et la communauté nationale pour réussir le vivre ensemble. Cet élément moral trouve son fondement dans la citation prophétique « les actes ne valent que selon les intentions » et aussi quand le Prophète dit « le meilleur des Hommes est celui qui est utile aux hommes ».
- Savoir que la difficulté engendre souvent la facilité. Ainsi, le croyant malade peut être dispensé de jeûne. Le croyant qui subit des contraintes au travail peut rassembler ses prières. Cela nous indique clairement que l’islam est souple et tolérant. Il ne s’agit pas d’un un bloc figé et monolithique.
- L’usage et la coutume ont leur place dans la pratique religieuse. Pour éviter l’anachronisme et le littéralisme, Le théologien doit lire le texte religieux à la lumière de son contexte culturel et historique. Il est indispensable de connaître les mentalités, les cultures et les langues, afin de distinguer entre le religieux et le culturel.
- Ne pas porter atteinte à la dignité d’autrui, aux biens des gens et à l’ordre public. Le préjudice et le mal doivent être rejetés.
- La maslaha, ou l’intérêt général, est une approche pragmatique recevable dans la pratique religieuse. Ainsi, l’intérêt général exige la préservation de la pluralité de la société et le respect de la laïcité pour garantir le vivre ensemble et la liberté de conscience.
Ces règles cherchent à protéger la vie, la liberté de conscience, la raison, la dignité humaine et la propriété privée.
L’imam Abu Hamid Al Ghazali (1058-1111) déclare : « Pour les êtres humains, la finalité supérieure de la religion se décline en cinq composantes : préserver leur religion, leur vie, leur raison, leur filiation "nasslahum", et leur propriété. Tout ce qui est de nature à préserver ces cinq finalités est un intérêt/bien (maslaha) ; tout ce qui concourt à faire manquer ces finalités est un préjudice. En effet, la préservation de ces cinq finalités entre dans la catégorie des indispensables. Ces dernières constituent le plus haut degré des intérêts. » (La quintessence, Ed. Al-Rissala, 1997) Qu’il me soit permis de dire qu’en réalité, la liberté de conscience et de pratique religieuse est prioritaire et constitue la pierre angulaire dans les libertés et les droits qu’on doit garantir à tous. Enfin, le grand imam tunisien Tahar Ben Achour (1879-1973) place la liberté avant toutes les finalités citées ci-dessus et l’érudit marocain Allal El Fassi (1920-1974) considère dans L’autocritique que la liberté et la justice sociale sont deux conditions nécessaires pour l’épanouissement de la communauté de foi musulmane.
Le théologien peut aussi établir un rapprochement entre les textes fondateurs et les dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) de 1948 ainsi que la Charte arabe des droits de l’Homme adoptée par la Ligue arabe en 2004. L’intérêt de cette démarche est de vérifier s’il y’a ou non une contradiction entre la foi islamique et les différentes déclarations des droits humains. Cet exercice, dans la partie qui suivra, permettra à la jeunesse musulmane de savoir que la religion ne rentre pas forcément en conflit avec nos valeurs universelles.
Lire la suite ici : Penser et repenser l’islam dans la République : la compatibilité entre le Coran et les déclarations des droits humains en dix points
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Mohammed El Mahdi Krabch est membre correspondant de l’Académie de Nîmes (société savante), imam, théologien et aumônier référent des hôpitaux de l'Hérault.
Penser l'islam et la République : l'ijtihad au cœur (1/4)