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Société

Port du voile : le licenciement d’une salariée par Camaïeu jugé discriminatoire par la Cour de cassation

Rédigé par | Vendredi 16 Avril 2021 à 14:05

           

La Cour de cassation a donné raison, mercredi 14 avril, à une salariée licenciée en 2015 par Camaïeu qui lui reprochait son port du voile en contact de la clientèle. Explications.



Port du voile : le licenciement d’une salariée par Camaïeu jugé discriminatoire par la Cour de cassation
Une salariée qui travaillait pour Camaïeu à Toulouse a obtenu gain de cause en cassation contre l’enseigne de prêt-à-porter féminin qui l’avait licenciée en 2015. La vendeuse, de retour de son congé parental, s’était présentée à son poste de travail avec un foulard dissimulant ses cheveux, ses oreilles et son cou. Refusant de l’enlever à la demande de l’employeur, celui-ci avait alors décidé de placer la vendeuse, en poste depuis trois ans, en dispense d’activité en août 2015 avant de la licencier « pour cause réelle et sérieuse » en septembre de la même année.

La salariée, s’estimant victime de discrimination en raison de ses convictions religieuses, s’était alors tourner vers la justice prud’hommale en 2016, sans succès. Après avoir fait appel de la décision, elle avait remporté la bataille judiciaire en septembre 2019 contre Camaïeu. Pour l’entreprise qui faisait valoir l’argument de l’atteinte à l’image de la marque par la salariée, le foulard ne répondait pas à « la conception qu'elle se fait de la féminité » et à l'image d'une « femme moderne » et « séduisante ».

Peine perdue pour l’enseigne : la cour d’appel de Toulouse avait statué en faveur de la plaignante, la reconnaissant victime d’une discrimination fondée sur ses convictions religieuses, et avait ainsi condamné l’entreprise à payer à son ex-salariée la somme de 10 000€ au titre de dommages et intérêts.

Port du voile : le licenciement d’une salariée par Camaïeu jugé discriminatoire par la Cour de cassation

Que fait valoir la Cour de cassation dans son arrêt ?

Face à cette déconvenue, Camaïeu s’est tourné vers la Cour de cassation mais la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français lui a de nouveau donné tort, estimant que le licenciement était bel et bien abusif car discriminatoire.

Dans un important arrêt rendu mercredi 14 avril que Saphirnews a pu consulter, elle a relevé, d’une part, qu’un employeur peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur « une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail » dès lors que cette clause est « générale et indifférenciée » et qu’elle ne peut être « appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients ». Par ailleurs, les dispositions visant à restreindre des libertés individuelles ne peuvent être apportées dans les règlements que si elles sont « justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ».

Or, aucune clause de neutralité n’était prévue dans le règlement intérieur de Camaïeu à l’époque des faits. « La cour d’appel en a déduit à bon droit que l’interdiction faite à la salariée de porter un foulard islamique caractérisait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée. »

Lire aussi : Les entreprises privées peuvent interdire le voile sous trois conditions

D’autre part, la Cour de cassation a relevé, déduction faite de la jurisprudence rendue en mars 2017 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant le port de signes religieux ostensibles, que la notion d’« exigence professionnelle essentielle et déterminante » brandie par Camaïeu pour justifier sa décision « ne saurait (…) couvrir des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client ».

« Après avoir relevé (…) que la justification de l’employeur était explicitement placée sur le terrain de l’image de l’entreprise au regard de l’atteinte à sa politique commerciale, laquelle serait selon lui susceptible d’être contrariée au préjudice de l’entreprise par le port du foulard islamique par l’une de ses vendeuses, la cour d’appel a exactement retenu que l’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de détail d’habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante », a indiqué la Cour de cassation. En conséquence, « la cour d’appel en a déduit à bon droit que le licenciement de la salariée, prononcé au motif du refus de celle-ci de retirer son foulard islamique lorsqu’elle était en contact avec la clientèle, qui était discriminatoire, devait être annulé ».

« Une avancée dans la défense des libertés » dans le secteur privé

« En l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation des dispositions du droit de l’Union en cause, il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle soumise par la société Camaïeu international », conclut la juridiction.

« La Cour de cassation confirme le droit des femmes à porter le foulard au travail », s’est félicité, dans un communiqué en date du vendredi 16 avril, Jean-Jacques Megaïdes, le liquidateur du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) qui avait été saisie de l'affaire et dont la dissolution avait été actée fin 2020. « Cette décision de la Cour de cassation, comme d'autres décisions qui vont dans ce sens, fera jurisprudence et constitue une avancée dans la défense des libertés dans les entreprises privées. »

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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