Avec Théo, « c’est apprendre à faire la différence entre une conversion à l’islam et quelqu’un qui commence à se rigidifier », explique Dounia Bouzar auprès de Saphirnews. Quelques semaines après l’appel du le président de la République à une « société de vigilance » lancée après la tuerie à la Préfecture de Police de Paris, le travail proposé par Dounia Bouzar et ses équipes, en coopération avec la start-up Pitchboy, dédiée à la formation en réalité virtuelle, vient apporter certaines réponses. « Ce n’est pas un simulateur pour s’entraîner sur ces sujets (de radicalisation). C’est vraiment une expérience en réalité virtuelle, pour vous mettre en situation et vous confronter à ce type de cas », nous précise Romain Boudré, un des cofondateurs de Pitchboy et de l’agence Jin.
Dans la peau d’une mère dont l’enfant se radicalise
Une fois le casque de réalité virtuelle enfilé, le participant est plongé dans la chambre de Théo, un Parisien de 16 ans qui commence à se radicaliser via Internet. Le participant, dans la peau de la mère de Théo, interagit avec une intelligence artificielle et doit tenter de protéger l’adolescent radicalisé. « L’intelligence artificielle (IA) va analyser ce que vous allez dire dans la simulation, les mots que vous allez utiliser, la construction de votre phrase, les répétitions que vous pouvez avoir, tout le langage que vous allez exprimer dans la simulation », explique Romain Boudré. Un résultat très réaliste, qui confronte directement le participant à la réalité du discours radical.
L’outil a été conçu afin que « les parents arrêtent d’être stigmatisés, que les gens arrêtent de dire : "C’est facile, les parents auraient pu voir, auraient pu faire ceci ou cela…" C’est pour les mettre en situation, au-delà des grands discours », affirme Dounia Bouzar. Car, face au discours de plus en plus radicalisé de l’adolescent, le participant tente de déployer des trésors d’ingéniosité pour maintenir le dialogue avec Théo et éviter de le perdre définitivement.
« La ligne pédagogique lorsque l’on a écrit cela, c’est de montrer qu’un parent trop rigide qui va, par exemple, avoir peur de l’islam (ou attaquer de front cette religion), va perdre son enfant (…). Que, si vous êtes anti-islam, vous êtes contre-productif. Et, en même temps, si vous êtes complètement laxiste et que vous validez tout (le discours radicalisé de l’enfant) comme si c’était de l’islam, vous le perdez aussi car vous validez l’interprétation de Daesh », analyse Dounia Bouzar, qui a mené ce travail avec des psychologues, des éducateurs et divers experts. Cette approche interdisciplinaire a été renforcée par l’aide apportée par des familles confrontées à ces situations de radicalisation.
L’outil a été conçu afin que « les parents arrêtent d’être stigmatisés, que les gens arrêtent de dire : "C’est facile, les parents auraient pu voir, auraient pu faire ceci ou cela…" C’est pour les mettre en situation, au-delà des grands discours », affirme Dounia Bouzar. Car, face au discours de plus en plus radicalisé de l’adolescent, le participant tente de déployer des trésors d’ingéniosité pour maintenir le dialogue avec Théo et éviter de le perdre définitivement.
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Un travail continu avec les familles
Le projet Théo est initialement né de la mission confiée par le Premier ministre de François Hollande, Bernard Cazeneuve, à Dounia Bouzar, nous indique-t-elle. Il « nous avait missionné (…) pour prendre en charge les premières familles dont l’enfant était impacté par les réseaux sociaux, par Daesh, et comprendre l’engouement de ces jeunes pour mourir en Syrie, dont des jeunes catholiques, des jeunes athées et quelques juifs ». Une mission qui a rapidement pris de l’ampleur, poursuit l’anthropologue : « On était missionné pour 150 personnes et on s’est retrouvé avec 1 000 en un an. Avec ces familles nous avons beaucoup travaillé, elles sont devenues des partenaires. Grâce à eux, on a pu comprendre et on a pu former les équipes. »
Lire aussi : Ce que révèle l'accompagnement de 1000 jeunes et de leurs familles, par Dounia Bouzar
L’alternance politique en 2017 a toutefois modifié le projet initial. Le travail entamé avec le gouvernement a cessé « mais on a gardé contact avec ces familles » qui se sentaient « stigmatisées, placés au rang des accusés, comme s’il y avait un manque éducatif » de leur part, raconte Dounia Bouzar. C’est là que l’agence Jin, qui a lu ses travaux, a proposé de mettre à disposition une technologie novatrice à sa disposition. « Théo est le résultat d’une agence qui a voulu faire du bénévolat, parce que Jin nous a offert Théo, et nous on offre Théo à l’intérêt public », raconte Dounia Bouzar.
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2 500 établissements éducatifs bénéficiaires
Fruit de plusieurs mois d’un travail interdisciplinaire, le projet Théo va être offert dans 2 500 établissements éducatifs. « C’est, pour le moment, à destination des francophones, mais s’il connaît un grand succès on le traduira », précise l’anthropologue. En effet, la technologie utilisée par le projet Théo fonctionne dans un peu plus de 80 langues. La version actuelle étant un bêta test, des améliorations seront apportées pour rendre l’expérience encore plus intense, promet-on.
L’expérience, gratuite et accessible à tous sur le site dédié, peut être vécue devant son ordinateur, avec ou sans casque de réalité virtuelle. Pour Dounia Bouzar, face à la radicalisation, « il faut montrer la complexité, il ne suffit pas de dire que "l’islam c’est ça" ». Le projet est pour l’heure concentré sur la radicalisation islamiste, mais pourrait s’étendre au néonazisme. Des savoirs et savoir-faire précieux offrant des perspectives nouvelles de compréhension des phénomènes radicaux.
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