« Aucun élève ne doit rester au bord du chemin », avait martelé en mars Jean-Michel Blanquer, désireux de garantir la continuité pédagogique en dehors des murs des établissements scolaires dont l’ouverture est progressive à partir du lundi 11 mai à l'exception des lycées ainsi que des collèges en zone rouge. Un vœu difficile à mettre en œuvre pour tous, les bonnes volontés ne suffisant pas. Selon le ministre de l'Education nationale, le contact a été perdu avec 4 % des élèves en métropole et entre 15 % et 25 % en Outre-mer avec le confinement. Si le nombre de décrocheurs pourraient bien être sous-estimé, cette situation met assurément à jour des inégalités déjà criantes.
« Nous avons voulu construire une école égalitaire en donnant à tous nos enfants les mêmes conditions de scolarité. Mais nous savons aujourd’hui que l’indifférence aux différences accroît les inégalités », déclare Philippe Meirieu, spécialiste des sciences de l'éducation, à Libération, précisant qu'« être confiné à cinq dans un petit appartement ou travailler tranquillement dans une maison à la campagne avec des parents disponibles et une bibliothèque, cela n’a rien à voir ! Cette crise réinterroge l’école sur un point essentiel : comment donner vraiment en tout temps plus, et surtout mieux, à ceux qui ont moins ? »
« Nous avons voulu construire une école égalitaire en donnant à tous nos enfants les mêmes conditions de scolarité. Mais nous savons aujourd’hui que l’indifférence aux différences accroît les inégalités », déclare Philippe Meirieu, spécialiste des sciences de l'éducation, à Libération, précisant qu'« être confiné à cinq dans un petit appartement ou travailler tranquillement dans une maison à la campagne avec des parents disponibles et une bibliothèque, cela n’a rien à voir ! Cette crise réinterroge l’école sur un point essentiel : comment donner vraiment en tout temps plus, et surtout mieux, à ceux qui ont moins ? »
Une « réalité brute » dévoilée
Certains établissements ont beau avoir fourni des ordinateurs à leurs élèves qui n'en avaient pas, le manque d'un espace à soi pour travailler, ou tout simplement d'une connexion, contribue à l'augmentation des « perdus de vue ». Contacté par Salamnews, Marc Douaire, président de l’Observatoire des zones prioritaires (OZP), estime que « ce modèle de continuité pédagogique numérique correspond à un modèle d’élève précis : celui des couches sociales supérieures bénéficiant du cadre de travail et de toutes les aides techniques et pédagogiques dans le cadre familial ».
La crise sanitaire vient confirmer un fait : notre pays est celui dans lequel l'origine sociale pèse le plus sur le parcours scolaire. Pour le sociologue Bernard Lahire, « c'est quasi mathématique : vous avez des inégalités de départ entre les familles, plus ou moins diplômées, plus ou moins dotées de capitaux culturels; si vous retirez l'école, qu'est-ce qui reste ? La réalité brute de ces inégalités ».
« L'école joue déjà, la plupart du temps, un rôle de reproduction. Mais elle tente néanmoins de réduire les différences et parvient, malgré tout, à transmettre des savoirs à ceux qui sont en difficulté, affirme-t-il à l’AFP. Si l'on retire son intervention de façon durable, l'impact sera très lourd ».
Il est donc urgent, selon Rodrigo Arenas, vice-président de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), « de revoir le dispositif d’orientation et de suivi des élèves ». Un même professeur principal aurait alors en charge un « même groupe d’élèves tout au long de leur cycle, indépendamment de leur classe ». « On devrait aussi inventer des ‘classes passerelles’ pour permettre aux élèves en réorientation de reprendre des études dans un cursus de leur choix. »
La crise sanitaire vient confirmer un fait : notre pays est celui dans lequel l'origine sociale pèse le plus sur le parcours scolaire. Pour le sociologue Bernard Lahire, « c'est quasi mathématique : vous avez des inégalités de départ entre les familles, plus ou moins diplômées, plus ou moins dotées de capitaux culturels; si vous retirez l'école, qu'est-ce qui reste ? La réalité brute de ces inégalités ».
« L'école joue déjà, la plupart du temps, un rôle de reproduction. Mais elle tente néanmoins de réduire les différences et parvient, malgré tout, à transmettre des savoirs à ceux qui sont en difficulté, affirme-t-il à l’AFP. Si l'on retire son intervention de façon durable, l'impact sera très lourd ».
Il est donc urgent, selon Rodrigo Arenas, vice-président de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), « de revoir le dispositif d’orientation et de suivi des élèves ». Un même professeur principal aurait alors en charge un « même groupe d’élèves tout au long de leur cycle, indépendamment de leur classe ». « On devrait aussi inventer des ‘classes passerelles’ pour permettre aux élèves en réorientation de reprendre des études dans un cursus de leur choix. »
Penser l’école d’après
Cette crise est donc l’occasion d’une refonte de l’école républicaine. Passer à côté serait une erreur. A cette fin, Rodrigo Arenas propose « l'interdisciplinarité pédagogique » qui pourrait « se réfléchir à partir d'établissements scolaires repensés ». Ainsi, on aurait « des classes maternelles et primaire multi-niveaux et, au niveau du secondaire, une structure unique (collège et lycée) regroupant plusieurs classes pour former des groupes hétérogènes composés de plusieurs niveaux de classes, avec une équipe d'enseignants dédiés ».
Pour Marc Douaire, la bataille contre les inégalités sociales passe par « la construction d’un système éducatif démocratique, par la revalorisation même de l’idée de service public fondé sur les intelligences collectives et la coopération et non sur la concurrence de tous contre tous et la sélection sociale bénéficiant aux héritiers ».
« La parole de l’institution devra rompre avec le mode de l’injonction permanente et la morgue bureaucratique. Il sera de la responsabilité de l’institution d’organiser à tous les niveaux des états généraux de reconstruction permettant de tirer les bilans de cette période douloureuse », insiste Marc Douaire. Au-delà de l’urgence à laquelle il faut parer, il revient donc à l’Etat de s’investir massivement pour poser les jalons d’une école de l’après-confinement plus égalitaire.
En partenariat avec Salamnews dont le numéro 73 est consacré entièrement au Covid-19
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« La parole de l’institution devra rompre avec le mode de l’injonction permanente et la morgue bureaucratique. Il sera de la responsabilité de l’institution d’organiser à tous les niveaux des états généraux de reconstruction permettant de tirer les bilans de cette période douloureuse », insiste Marc Douaire. Au-delà de l’urgence à laquelle il faut parer, il revient donc à l’Etat de s’investir massivement pour poser les jalons d’une école de l’après-confinement plus égalitaire.
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