Fresque en mosaïques évoquant le concile d'Ephèse de 431 dans la Basilique Notre-Dame de Fourvière à Lyon.
2. La ligne miaphysite (« jacobite »)
Le Concile d’Éphèse de 431 ne résolut pas la question christologique. Si Nestorius avait distingué à l’excès entre nature humaine et nature divine, la balance penchait désormais du côté opposé. Le moine Eutychès, très influent à la cour de l’empereur d’Orient Théodose II, affirma que, dans le Christ, la nature divine annulait la nature humaine, enseignant ainsi le monophysisme (une seule nature).
Cette doctrine fut condamnée par le patriarche de Constantinople Flavien dans un synode local en 448. Mais l’année suivante (449), le patriarche d’Alexandrie Dioscore, qui soutenait Eutychès, parvint à convoquer un concile à Éphèse, au cours duquel le monophysisme fut imposé par la force. Flavien ne put lire la lettre que le pape Léon lui avait envoyée et qui condamnait le monophysisme. Déposé, il mourut peu après des coups qu’il avait reçus.
Face à ce scandale, le pape Léon annula le concile, en le qualifiant, sous le nom qui lui est resté, de « brigandage d’Éphèse ». Deux ans plus tard (451), profitant de la mort de l’empereur Théodose II et de l’arrivée sur le trône de Marcien, le pape parvint à convoquer un nouveau concile à Chalcédoine (aujourd’hui Kadiköy, un faubourg d’Istanbul), auquel il ne put toutefois pas participer personnellement, étant retenu en Italie par la menace que faisaient peser les Huns d’Attila. En cette occasion, et sous l’impulsion des légats pontificaux, le concile condamna Eutychès et Dioscore, réhabilita Flavien et adopta les termes de la lettre que Léon avait adressée à Flavien : « Elle est en effet en harmonie avec la confession du grand Pierre, et constitue pour nous une colonne commune. »
En conséquence, le concile enseignait que l’unique Christ a « deux natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation ». Un grand théologien contemporain commente : « Dieu et homme non séparés, mais non confondus ; (c’est une) christologie biblique, procréée dans une forme de pensée grecque, sous l’inspiration pontificale romaine. » (Hans Urs von Balthasar, Maxime le Confesseur. Liturgie cosmique, Cerf, 1950, p.40).
La formule de Chalcédoine ne fut pas toutefois accueillie en Égypte, où la plus grande partie de l’Église locale, surtout d’obédience monastique, préféra s’en tenir à l’expression de Cyrille : « Unique nature incarnée du Dieu Verbe. » Cette formule est dite miaphysite (« une nature »), et ne doit pas être confondue avec la position monophysite d’Eutychès et de ses adeptes, car le terme « nature » chez Cyrille n’a pas le même sens que dans l’expression adoptée à Chalcédoine. Ce point, qu’avaient déjà relevé certains Pères de l’Église comme Jean Damascène, a abouti en 1973 à la signature d’une déclaration commune entre Paul VI et Chenouda III, patriarche de l’Église copte, le mot « copte » étant formé à partir du nom (Aïgyptos) donné par les Grecs anciens aux habitants de l’Égypte.
Le document, tout en admettant l’existence de différences théologiques, reconnaît la compatibilité substantielle des deux formules. Il est significatif que ce texte ait été rappelé dans la déclaration commune signée au Caire le 28 avril 2017 pendant la visite du pape François en Égypte. Dans cette nouvelle déclaration, le pape François et le pape Tawadros II, successeur de Chenouda III à la tête de l’Église copte, déclarent aussi qu’ils chercheront « à ne plus répéter le baptême qui a été administré dans nos respectives Églises pour toute personne qui souhaite rejoindre l’une ou l’autre (…) en obéissance aux Saintes Écritures et à la foi des trois Conciles œcuméniques célébrés à Nicée, à Constantinople et à Éphèse » (n° 11).
Mais sur le terrain, il en alla tout autrement. En Égypte, puis peu après en Syrie, deux hiérarchies parallèles et concurrentes se mirent en place : l’une acceptait le concile de Chalcédoine, l’autre le refusait. Pour la Syrie, l’évêque Jacques Baradée joua un rôle décisif – d’où le nom de « jacobites » attribué de façon polémique à l’Église miaphysite. Plus tard (au VIe siècle), l’Église arménienne, qui n’avait pu envoyer ses délégués à Chalcédoine à cause de l’invasion perse, adopta, elle aussi, la position miaphysite.
De la ligne non-chalcédonienne dérivent aujourd’hui :
1. L’Église copte-orthodoxe (patriarcat d’Alexandrie, à présent transféré au Caire), qui est la plus nombreuse des communautés chrétiennes du Moyen-Orient ;
2. L’Église syro-orthodoxe (patriarcat d’Antioche, actuellement transféré à Ma‘arrat Saydnaya, non loin de Damas), qui est présente essentiellement en Syrie et dans le Nord de l’Irak ainsi que dans la région du Tur ‘Abdin en Turquie ;
3. L’Église apostolique arménienne, elle-même organisée en deux catholicòï (l’un d’Etchmiadzin en Arménie – le plus important –, et l’autre de Cilicie, actuellement transféré au Liban). (2)
Dès l’Antiquité, l’Église copte-orthodoxe, dont le patriarche porte le titre de pape d’Alexandrie et de la prédication marcienne, dirigea son activité missionnaire en remontant la vallée du Nil, jusqu’à l’Éthiopie et l’Érythrée, où deux Églises autocéphales (indépendantes) de tradition copte, donc miaphysites, ont aujourd’hui leur siège. Dès 1665, l’Église syro-orthodoxe a noué des rapports étroits avec le Kérala (Inde), où l’Église orthodoxe syro-malankare est actuellement en communion avec le patriarcat d’Antioche. (3)
Dans leur ensemble, ces Églises sont appelées « orthodoxes orientales », pour les distinguer des Églises orthodoxes de tradition byzantine (les Églises grecque, russe, géorgienne, bulgare, etc.). Avec la Réforme catholique des XVIe-XVIIe siècle, les missionnaires latins envoyés au Moyen-Orient cherchèrent à réunir à Rome chacune de ces Églises.
Mais les unions ont été seulement partielles et ont donné naissance à cinq Églises catholiques de rite oriental : l’Église copte-catholique (1895, mais la première communauté remonte à 1741, avec son siège patriarcal au Caire), l’Église syro-catholique (1783, avec son siège patriarcal à Beyrouth au Liban), l’Église arménienne-catholique (1742, avec son siège patriarcal à Bzommar au Liban), l’ Église éthiopienne-catholique (1961, mais il faut en situer les origines au XIXe siècle) (4) et, en Inde, l’Église syro-malankare (1932). Chacune d’elles a la même liturgie que sa « sœur » orthodoxe orientale, mais reconnaît l’autorité du pape et les conciles œcuméniques.
1. La ligne syro-orientale (« nestorienne ») ici
3. La ligne chalcédonienne (« melkite ») ici
4. Les Latins
5. Les évangéliques
Récapitulatif des rites et des Eglises ici
Cette doctrine fut condamnée par le patriarche de Constantinople Flavien dans un synode local en 448. Mais l’année suivante (449), le patriarche d’Alexandrie Dioscore, qui soutenait Eutychès, parvint à convoquer un concile à Éphèse, au cours duquel le monophysisme fut imposé par la force. Flavien ne put lire la lettre que le pape Léon lui avait envoyée et qui condamnait le monophysisme. Déposé, il mourut peu après des coups qu’il avait reçus.
Face à ce scandale, le pape Léon annula le concile, en le qualifiant, sous le nom qui lui est resté, de « brigandage d’Éphèse ». Deux ans plus tard (451), profitant de la mort de l’empereur Théodose II et de l’arrivée sur le trône de Marcien, le pape parvint à convoquer un nouveau concile à Chalcédoine (aujourd’hui Kadiköy, un faubourg d’Istanbul), auquel il ne put toutefois pas participer personnellement, étant retenu en Italie par la menace que faisaient peser les Huns d’Attila. En cette occasion, et sous l’impulsion des légats pontificaux, le concile condamna Eutychès et Dioscore, réhabilita Flavien et adopta les termes de la lettre que Léon avait adressée à Flavien : « Elle est en effet en harmonie avec la confession du grand Pierre, et constitue pour nous une colonne commune. »
En conséquence, le concile enseignait que l’unique Christ a « deux natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation ». Un grand théologien contemporain commente : « Dieu et homme non séparés, mais non confondus ; (c’est une) christologie biblique, procréée dans une forme de pensée grecque, sous l’inspiration pontificale romaine. » (Hans Urs von Balthasar, Maxime le Confesseur. Liturgie cosmique, Cerf, 1950, p.40).
La formule de Chalcédoine ne fut pas toutefois accueillie en Égypte, où la plus grande partie de l’Église locale, surtout d’obédience monastique, préféra s’en tenir à l’expression de Cyrille : « Unique nature incarnée du Dieu Verbe. » Cette formule est dite miaphysite (« une nature »), et ne doit pas être confondue avec la position monophysite d’Eutychès et de ses adeptes, car le terme « nature » chez Cyrille n’a pas le même sens que dans l’expression adoptée à Chalcédoine. Ce point, qu’avaient déjà relevé certains Pères de l’Église comme Jean Damascène, a abouti en 1973 à la signature d’une déclaration commune entre Paul VI et Chenouda III, patriarche de l’Église copte, le mot « copte » étant formé à partir du nom (Aïgyptos) donné par les Grecs anciens aux habitants de l’Égypte.
Le document, tout en admettant l’existence de différences théologiques, reconnaît la compatibilité substantielle des deux formules. Il est significatif que ce texte ait été rappelé dans la déclaration commune signée au Caire le 28 avril 2017 pendant la visite du pape François en Égypte. Dans cette nouvelle déclaration, le pape François et le pape Tawadros II, successeur de Chenouda III à la tête de l’Église copte, déclarent aussi qu’ils chercheront « à ne plus répéter le baptême qui a été administré dans nos respectives Églises pour toute personne qui souhaite rejoindre l’une ou l’autre (…) en obéissance aux Saintes Écritures et à la foi des trois Conciles œcuméniques célébrés à Nicée, à Constantinople et à Éphèse » (n° 11).
Mais sur le terrain, il en alla tout autrement. En Égypte, puis peu après en Syrie, deux hiérarchies parallèles et concurrentes se mirent en place : l’une acceptait le concile de Chalcédoine, l’autre le refusait. Pour la Syrie, l’évêque Jacques Baradée joua un rôle décisif – d’où le nom de « jacobites » attribué de façon polémique à l’Église miaphysite. Plus tard (au VIe siècle), l’Église arménienne, qui n’avait pu envoyer ses délégués à Chalcédoine à cause de l’invasion perse, adopta, elle aussi, la position miaphysite.
De la ligne non-chalcédonienne dérivent aujourd’hui :
1. L’Église copte-orthodoxe (patriarcat d’Alexandrie, à présent transféré au Caire), qui est la plus nombreuse des communautés chrétiennes du Moyen-Orient ;
2. L’Église syro-orthodoxe (patriarcat d’Antioche, actuellement transféré à Ma‘arrat Saydnaya, non loin de Damas), qui est présente essentiellement en Syrie et dans le Nord de l’Irak ainsi que dans la région du Tur ‘Abdin en Turquie ;
3. L’Église apostolique arménienne, elle-même organisée en deux catholicòï (l’un d’Etchmiadzin en Arménie – le plus important –, et l’autre de Cilicie, actuellement transféré au Liban). (2)
Dès l’Antiquité, l’Église copte-orthodoxe, dont le patriarche porte le titre de pape d’Alexandrie et de la prédication marcienne, dirigea son activité missionnaire en remontant la vallée du Nil, jusqu’à l’Éthiopie et l’Érythrée, où deux Églises autocéphales (indépendantes) de tradition copte, donc miaphysites, ont aujourd’hui leur siège. Dès 1665, l’Église syro-orthodoxe a noué des rapports étroits avec le Kérala (Inde), où l’Église orthodoxe syro-malankare est actuellement en communion avec le patriarcat d’Antioche. (3)
Dans leur ensemble, ces Églises sont appelées « orthodoxes orientales », pour les distinguer des Églises orthodoxes de tradition byzantine (les Églises grecque, russe, géorgienne, bulgare, etc.). Avec la Réforme catholique des XVIe-XVIIe siècle, les missionnaires latins envoyés au Moyen-Orient cherchèrent à réunir à Rome chacune de ces Églises.
Mais les unions ont été seulement partielles et ont donné naissance à cinq Églises catholiques de rite oriental : l’Église copte-catholique (1895, mais la première communauté remonte à 1741, avec son siège patriarcal au Caire), l’Église syro-catholique (1783, avec son siège patriarcal à Beyrouth au Liban), l’Église arménienne-catholique (1742, avec son siège patriarcal à Bzommar au Liban), l’ Église éthiopienne-catholique (1961, mais il faut en situer les origines au XIXe siècle) (4) et, en Inde, l’Église syro-malankare (1932). Chacune d’elles a la même liturgie que sa « sœur » orthodoxe orientale, mais reconnaît l’autorité du pape et les conciles œcuméniques.
1. La ligne syro-orientale (« nestorienne ») ici
3. La ligne chalcédonienne (« melkite ») ici
4. Les Latins
5. Les évangéliques
Récapitulatif des rites et des Eglises ici