Icône des 21 travailleurs coptes martyrisés par Daech en Libye en 2015
Synthèse des rites et des Eglises
Nous pouvons récapituler cette histoire embrouillée en prenant comme point de repère la situation actuelle de l’Église catholique au Moyen-Orient (sans donc tenir compte de l’Éthiopie et de l’Inde).
En cette région du monde, elle se déploie à travers sept rites, chacun organisé autour d’un patriarche nommé par l’assemblée des évêques (synode), mais confirmé par le pape. Ces rites – et les Églises qui les pratiquent – sont :
- chaldéen ;
- copte ;
- syriaque ;
- arménien ;
- melkite ;
- maronite ;
- latin.
À l’exception du maronite et du latin, chacun de ces rites a, pour des raisons historiques, une Église « jumelle » orthodoxe :
Église assyrienne d’Orient et Antique Église d’Orient
Église syro-orthodoxe ;
Église copte-orthodoxe ;
Église arménienne apostolique ;
Église grecque-orthodoxe (répartie au Moyen-Orient entre quatre patriarcats : Constantinople, Antioche, Jérusalem, Alexandrie).
À ces Églises viennent s’ajouter les communautés nées de la Réforme : luthériens, anglicans, et, à l’époque contemporaine, les différents mouvements pentecôtistes. Il reste à signaler que chacune de ces Églises historiques, qu’elle soit catholique ou non, a développé une diaspora consistante, surtout en Europe, aux Amériques et en Australie. Cette diaspora s’est à son tour organisée en diocèses. C’est le cas par exemple du diocèse copte-orthodoxe de Milan.
En cette région du monde, elle se déploie à travers sept rites, chacun organisé autour d’un patriarche nommé par l’assemblée des évêques (synode), mais confirmé par le pape. Ces rites – et les Églises qui les pratiquent – sont :
- chaldéen ;
- copte ;
- syriaque ;
- arménien ;
- melkite ;
- maronite ;
- latin.
À l’exception du maronite et du latin, chacun de ces rites a, pour des raisons historiques, une Église « jumelle » orthodoxe :
Église assyrienne d’Orient et Antique Église d’Orient
Église syro-orthodoxe ;
Église copte-orthodoxe ;
Église arménienne apostolique ;
Église grecque-orthodoxe (répartie au Moyen-Orient entre quatre patriarcats : Constantinople, Antioche, Jérusalem, Alexandrie).
À ces Églises viennent s’ajouter les communautés nées de la Réforme : luthériens, anglicans, et, à l’époque contemporaine, les différents mouvements pentecôtistes. Il reste à signaler que chacune de ces Églises historiques, qu’elle soit catholique ou non, a développé une diaspora consistante, surtout en Europe, aux Amériques et en Australie. Cette diaspora s’est à son tour organisée en diocèses. C’est le cas par exemple du diocèse copte-orthodoxe de Milan.
« En Orient, nous serons unis ou nous ne serons plus »
Dans le feu des controverses christologiques, les trois Églises se sont combattues durement, se lançant des épithètes injurieuses (« melkites », « nestoriens », « jacobites »). Selon plusieurs chercheurs, dont le grand islamologue Josef van Ess, la naissance même de l’islam peut en partie s’expliquer par le sentiment qu’en se divisant en trois Églises, le christianisme oriental s’était engagé dans une impasse et n’avait plus d’avenir.
Aujourd’hui, après plus d’un siècle d’œcuménisme, les Églises du Moyen-Orient partagent mieux la mémoire des événements qui les ont séparées et dont les enjeux échappent désormais à la compréhension de la plupart des fidèles.
Le poids des difficultés de communication à l’époque prémoderne n’est pas à sous-estimer dans ces vicissitudes. Sa‘īd Ibn Batrīq (Eutychius, 877-940), patriarche melkite d’Alexandrie, se plaint par exemple dans ses Annales de l’interruption de nouvelles concernant le siège de Rome. Et son continuateur Yahyā al-Antakī lui fait écho lorsqu’il écrit vers 1030 à Antioche – juste avant le Schisme d’Orient :
« Quant aux patriarches de Rome, leurs noms ne me sont pas parvenus avec certitude. En effet, le patriarche Sa‘īd Ibn al-Batrīq les a nommés, l’un après l’autre, depuis Pierre, chef des apôtres, jusqu’au patriarche Ghābiyūs, à l’époque duquel eut lieu le sixième concile (Constantinople III, 680-681). (…) Mais il ne dit pas qui lui succéda. (…). On n’omit pas d’inscrire ce Ghābiyūs dans les diptyques depuis la convocation du sixième concile jusqu’à l’époque postérieure à la mort du patriarche Sa‘īd Ibn Batrīq (940), pendant un long temps dont la durée n’est pas précise. Après lui, on mentionne un autre patriarche nommé Benoît : et on ne cessa pas d’inscrire son nom dans les diptyques jusqu’après la 390e année de l’hégire (1000 ap. J.-C.).
Après Benoît, il y a eu un certain nombre de patriarches ; mais ni le nom, ni le souvenir d’aucun d’eux n’a été rappelé dans le pays d’Égypte et de Syrie à cause du manque de leurs nouvelles et de l’éloignement de leur pays. »
Ce sont aussi (et peut-être surtout) ces difficultés pratiques qui expliquent l’éloignement progressif des différentes communautés chrétiennes dans la région. Il reste que, du point de vue de l’historien, la présence ecclésiale en Orient se signale par des contributions d’une richesse exceptionnelle en matière de théologie, de liturgie et de spiritualité, et aussi par une inculturation remarquable de la foi chrétienne dans les traditions des différents peuples du Moyen-Orient ancien. Dans ses expressions les plus élevées, ce christianisme oriental incarne l’idéal de l’unité dans la pluralité, en dépit de persécutions particulièrement sévères (il suffit de penser aux massacres des maronites en 1860 au Liban et en Syrie, aux attaques récurrentes contre les coptes ou au génocide arménien et syriaque durant la Première Guerre mondiale).
Or il faut reconnaître que cette richesse est devenue aujourd’hui un fardeau qui risque de compromettre la survie même de ces communautés. « En Orient, nous serons unis ou nous ne serons plus », avaient écrit les patriarches catholiques d’Orient dans leur première lettre pastorale en 1991. Les développements de ces dernières années amènent à se demander si le tragique de la seconde hypothèse n’est pas en train devenir de plus en plus dangereusement crédible. Toutefois, les dernières persécutions ont justement nourri une expérience renouvelée de ce que le pape François a appelé à plusieurs reprises « l’œcuménisme du sang ».
Il est permis d’espérer que ces épreuves permettront de porter un regard neuf sur une histoire qui est faite certes de divisions, mais aussi et surtout du désir de rester fidèle à l’Évangile dans un contexte souvent hostile.
Aujourd’hui, après plus d’un siècle d’œcuménisme, les Églises du Moyen-Orient partagent mieux la mémoire des événements qui les ont séparées et dont les enjeux échappent désormais à la compréhension de la plupart des fidèles.
Le poids des difficultés de communication à l’époque prémoderne n’est pas à sous-estimer dans ces vicissitudes. Sa‘īd Ibn Batrīq (Eutychius, 877-940), patriarche melkite d’Alexandrie, se plaint par exemple dans ses Annales de l’interruption de nouvelles concernant le siège de Rome. Et son continuateur Yahyā al-Antakī lui fait écho lorsqu’il écrit vers 1030 à Antioche – juste avant le Schisme d’Orient :
« Quant aux patriarches de Rome, leurs noms ne me sont pas parvenus avec certitude. En effet, le patriarche Sa‘īd Ibn al-Batrīq les a nommés, l’un après l’autre, depuis Pierre, chef des apôtres, jusqu’au patriarche Ghābiyūs, à l’époque duquel eut lieu le sixième concile (Constantinople III, 680-681). (…) Mais il ne dit pas qui lui succéda. (…). On n’omit pas d’inscrire ce Ghābiyūs dans les diptyques depuis la convocation du sixième concile jusqu’à l’époque postérieure à la mort du patriarche Sa‘īd Ibn Batrīq (940), pendant un long temps dont la durée n’est pas précise. Après lui, on mentionne un autre patriarche nommé Benoît : et on ne cessa pas d’inscrire son nom dans les diptyques jusqu’après la 390e année de l’hégire (1000 ap. J.-C.).
Après Benoît, il y a eu un certain nombre de patriarches ; mais ni le nom, ni le souvenir d’aucun d’eux n’a été rappelé dans le pays d’Égypte et de Syrie à cause du manque de leurs nouvelles et de l’éloignement de leur pays. »
Ce sont aussi (et peut-être surtout) ces difficultés pratiques qui expliquent l’éloignement progressif des différentes communautés chrétiennes dans la région. Il reste que, du point de vue de l’historien, la présence ecclésiale en Orient se signale par des contributions d’une richesse exceptionnelle en matière de théologie, de liturgie et de spiritualité, et aussi par une inculturation remarquable de la foi chrétienne dans les traditions des différents peuples du Moyen-Orient ancien. Dans ses expressions les plus élevées, ce christianisme oriental incarne l’idéal de l’unité dans la pluralité, en dépit de persécutions particulièrement sévères (il suffit de penser aux massacres des maronites en 1860 au Liban et en Syrie, aux attaques récurrentes contre les coptes ou au génocide arménien et syriaque durant la Première Guerre mondiale).
Or il faut reconnaître que cette richesse est devenue aujourd’hui un fardeau qui risque de compromettre la survie même de ces communautés. « En Orient, nous serons unis ou nous ne serons plus », avaient écrit les patriarches catholiques d’Orient dans leur première lettre pastorale en 1991. Les développements de ces dernières années amènent à se demander si le tragique de la seconde hypothèse n’est pas en train devenir de plus en plus dangereusement crédible. Toutefois, les dernières persécutions ont justement nourri une expérience renouvelée de ce que le pape François a appelé à plusieurs reprises « l’œcuménisme du sang ».
Il est permis d’espérer que ces épreuves permettront de porter un regard neuf sur une histoire qui est faite certes de divisions, mais aussi et surtout du désir de rester fidèle à l’Évangile dans un contexte souvent hostile.
Pour en savoir davantage
Oasis, n° 22 (2015) : « La croix et le drapeau noir ».
Samir Khalil Samir, Rôle culturel des chrétiens dans le monde arabe, CEDRAC, Beyrouth, 2003.
Christian Cannuyer, Les Coptes, Brepols, Tournai, 1998.
Bernard Heyberger, Chrétiens du monde arabe. Un archipel en terre d’islam, Autrement, Paris, 2003.
Antoine Fleyfel, Géopolique des chrétiens d’Orient, L’Harmattan, Paris, 2013.
(1) La Chaldée était dans l’antiquité la Basse-Mésopotamie. En 1445, le terme fut choisi pour désigner les fidèles « nestoriens » qui résidaient à Chypre et qui avaient accepté l’union avec Rome. Cette union, toutefois, ne dura que peu de temps.
(2) L’Église arménienne a en outre un patriarche à Constantinople (siège établi en 1461) et un à Jérusalem (établi en 638). Ceux-ci ont joué en certains moments de l’histoire un rôle majeur, mais ne comptent aujourd’hui qu’un nombre limité de fidèles. Ces deux sièges patriarcaux, tout en reconnaissant le rôle d’Etchmiadzin dans les questions ecclésiales d’intérêt général, sont actuellement autonomes.
(3) Il existe toutefois aussi une branche autocéphale, connue comme Église orthodoxe syro-malankare (Malankara Orthodox Syrian Church). L’histoire des « chrétiens de saint Thomas » en Inde est particulièrement complexe, et n’entre pas dans le cadre de cet article.
(4) En 2015, le pape François a érigé l’Église catholique érythréenne comme Église sui juris, la détachant de l’Église catholique éthiopienne.
*****
Docteur en études orientales à l’Université Ca' Foscari de Venise, Martino Diez est directeur scientifique de la Fondation internationale Oasis et enseignant-chercheur en langue et littérature arabe à l'Université catholique de Milan. Première parution de l’article dans Oasis, avril 2017.
Lire aussi :
Chrétiens d’Orient : 2 000 ans de patrimoine exposés à l’Institut du monde arabe
Samir Khalil Samir, Rôle culturel des chrétiens dans le monde arabe, CEDRAC, Beyrouth, 2003.
Christian Cannuyer, Les Coptes, Brepols, Tournai, 1998.
Bernard Heyberger, Chrétiens du monde arabe. Un archipel en terre d’islam, Autrement, Paris, 2003.
Antoine Fleyfel, Géopolique des chrétiens d’Orient, L’Harmattan, Paris, 2013.
(1) La Chaldée était dans l’antiquité la Basse-Mésopotamie. En 1445, le terme fut choisi pour désigner les fidèles « nestoriens » qui résidaient à Chypre et qui avaient accepté l’union avec Rome. Cette union, toutefois, ne dura que peu de temps.
(2) L’Église arménienne a en outre un patriarche à Constantinople (siège établi en 1461) et un à Jérusalem (établi en 638). Ceux-ci ont joué en certains moments de l’histoire un rôle majeur, mais ne comptent aujourd’hui qu’un nombre limité de fidèles. Ces deux sièges patriarcaux, tout en reconnaissant le rôle d’Etchmiadzin dans les questions ecclésiales d’intérêt général, sont actuellement autonomes.
(3) Il existe toutefois aussi une branche autocéphale, connue comme Église orthodoxe syro-malankare (Malankara Orthodox Syrian Church). L’histoire des « chrétiens de saint Thomas » en Inde est particulièrement complexe, et n’entre pas dans le cadre de cet article.
(4) En 2015, le pape François a érigé l’Église catholique érythréenne comme Église sui juris, la détachant de l’Église catholique éthiopienne.
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Docteur en études orientales à l’Université Ca' Foscari de Venise, Martino Diez est directeur scientifique de la Fondation internationale Oasis et enseignant-chercheur en langue et littérature arabe à l'Université catholique de Milan. Première parution de l’article dans Oasis, avril 2017.
Lire aussi :
Chrétiens d’Orient : 2 000 ans de patrimoine exposés à l’Institut du monde arabe